Après avoir passé rapidement en revue les caractéristiques financières d’Installux et avoir conclu qu’il s’agit peut être d’une opportunité intéressante, il est temps de plonger davantage dans les détails.
L’objectif de cette dernière phase est de mieux comprendre l’activité d’Installux, son positionnement concurrentiel, et de détecter les risques qui pèsent sur le groupe.
Tout d’abord il faut revenir plus en détail sur les activités du groupe
Le groupe Installux a réalisé en 2009 un CA consolidé de 96,8 M€ répartit entre ses différentes filiales.
Les filiales ont des activités différentes, certaines sont principalement des entités commerciales comme la société mère Installux SA et d’autres ont des activités de production en interne.
Voici un tableau récapitulatif de chacune d’entre elles :
Comme vous le voyez, Installux SA est la locomotive et vache à lait du groupe, les autres filiale ont du mal à décoller. La quasi-totalité du CA se fait en France.
Les sociétés du groupe Installux commercialisent leurs produits à des professionnels qui se chargent de la distribution et de l’installation en France et à l’étranger. La société indique qu’aucun client ne représente plus de 2 % du CA consolidé.
Autre chose à savoir sur l’activité, l’aluminium représente en valeur environ 40 % des achats du groupe. Il faut étudier la marge brute pour vérifier que le groupe gère bien ses achats.
Je reviendrai sur l’activité un peu plus tard. Il est temps de passer à l’analyse des comptes.
Habituellement j’aime avoir un long historique (10 ans), pour Installux nous devrons nous contenter de remonter à 2004. Je n’ai trouvé aucun document financier plus ancien.
Précision : tous les chiffres dans les tableaux sont en millions d’euros, sauf indication contraire.
Bilan : RAS
En première analyse, l’idée était de vérifier la solidité financière du groupe actuellement.
Dans cette deuxième phase, l’objectif est d’observer la structure financière du groupe sur plusieurs années, idéalement 10 ans pour observer d’éventuels changements de politique financière.
Il faut aussi vérifier la nature des dettes, leurs échéances et si il y a du hors bilan.
Pour Installux il n’y a pas de suspense, la société n’a jamais eu plus de 1 M€ de dettes financières depuis 2004 et ses capitaux propres et sa trésorerie ont augmenté sur les 6 dernières années. La liquidité comme la solvabilité ont toujours été très bonnes.
Les engagements hors bilan sont de 72 k€ seulement.
Compte de résultat : stable mais…
Les choses sérieuses commencent.
Le CA a augmenté de 4,8 % environ par an sur les dix dernières années. La crise qui nous touche depuis 2008 ne semble pas affecter trop fortement le groupe qui fait preuve d’une régularité étonnante. En fait, 2009 est la première année de décroissance du chiffre d’affaires depuis 1994.
Premier commentaire : les anticipations que le marché semble faire à propos d’Installux (décroissance irrémédiable à long terme des cash-flows) paraissent pessimistes au regard de l’historique du groupe. Mais peut être que le marché s’attend à ce que les marges du groupe se détériorent ?
Visiblement là aussi l’historique ne semble pas indiquer de tendance baissière (2009 est en baisse pour des raisons évidentes). Les marges se maintiennent bien et rebondissent fortement au S1 2010 à la faveur d’un aluminium moins cher et de réduction de coûts.
Installux semble aussi bien gérer ses achats puisque sa marge brute reste assez stable à moyen terme alors qu’entre temps les cours de l’aluminium et du dollar (l’alu se négocie en dollars) ont été volatiles.
Visiblement pas d’alerte majeure sur les résultats. Il est temps de voir ce qu’Installux a dans le ventre, pour cela il faut étudier la rentabilité par rapport à l’actif et aux capitaux propres.
Ces chiffres sont ceux du groupe ; cependant comme nous l’avons vu c’est Installux SA qui est le seul maillon fort du groupe et qui génère la grande majorité de la rentabilité.
Le rendement sur l’actif ressort à 8,9 % en moyenne sur 6 ans, et le rendement des capitaux propres à 13,7 %. C’est bon. Le ROE est relativement peu élevé car Installux n’utilise pas de levier financier.
Compte tenu de la rentabilité qu’arrive à dégager Installux sur ses actifs il est possible que l’entreprise Installux SA dispose d’un avantage concurrentiel. C’est là que le travail se corse. Je n’ai trouvé sur le Net aucune information chiffrée sur le marché d’Installux et sa part de marché mis à part qu’Installux SA semble leader en France sur les produits du bâtiment en aluminium (fenêtres, portes, cloisons…).
J’ai trouvé peu d’infos sur la concurrence, mais j’ai quand même identifié des concurrents de taille équivalente à Installux même si certains ne font pas que de l’aluminium (K.Line, Atlantem, CAIB, Atrya…). Il faut noter que l’aluminium est derrière le PVC pour la fabrication des fenêtres (21 % de PDM en volume mais 34 % en valeur en 2008), mais en croissance. Je n’ai pas trouvé de données pour les portes et cloisons.
En clair, le marché français paraît assez éclaté et même si Installux est leader, il est peu probable que le groupe dispose d’un avantage par la taille ou des économies d’échelle sur ses concurrents.
Partant de là on ne peut faire que des suppositions sans grande valeur. Peut être qu’Installux dispose d’un réseau de distribution que ses concurrents ne peuvent égaler ou d’une réputation supérieure. Ces deux suppositions me paraissent les plus plausibles au regard du business mais en l’absence d’éléments pour les étayer, il faut les prendre avec beaucoup de scepticisme.
Que peut-on attendre à l’avenir ?
Actuellement Installux SA est un négociant. L’entreprise conçoit des produits, un industriel les produit et Installux les lui achète pour les revendre en l’état (ou avec des modifications mineures).
Depuis le début des années 2000 Installux mène une politique d’intégration verticale, c'est-à-dire que le groupe acquiert des fournisseurs ou clients.
France Alu Color a été acheté en 2002 pour réaliser le laquage. Et au S1 2010 le groupe a acquis une usine d’extrusion (production de profilés en aluminium) à Barcelone auprès de son partenaire Metalès Extruidos.
Cette acquisition va permettre à Installux d’assurer en interne la production des profilés qui est pour l’instant externalisée. Le groupe sera en mesure de mieux contrôler ses coûts, notamment sur certains profilés fabriqués en petite série, et de se mettre au niveau de ses concurrents qui sont intégrés sur toutes les étapes de la chaîne de valeur des produits.
L’effet sur les marges ne sera cependant pas très important selon moi. L’activité d’extrusion ne semble pas très rentable : 1 % de marge pour Metalès, environ 1,4 % en 2008 et 0 % en 2009 pour l’activité extrusion d’Hydro, le leader européen de l’aluminium.
Je ne vois pas d’éléments qui indiquent qu’une détérioration des marges est à attendre, mais peut être que ma méconnaissance de l’environnement concurrentiel d’Installux me trompe.
Cependant pour continuer à croître Installux devra davantage se tourner vers l’Europe et il n’est pas garanti que le groupe parviendra à imposer ses produits sur ces marchés.
Les flux de trésorerie : du potentiel
Dans le tableau des flux de trésorerie, il faut contrôler la qualité du flux opérationnel, le BFR et sa variation, les investissements et la distribution.
A moyen/ long terme, les flux de trésorerie opérationnels doivent être supérieurs au résultat net.
Pour Installux, le ratio BFR/ CA est très stable. En cas de variation importante, il faut en rechercher la cause. Cela peut provenir d’un changement dans la politique d’achat ou de vente de l’entreprise, des impôts différés ou être le signe de problèmes plus graves.
Les explications se trouvent généralement dans le rapport annuel.
Passons à l’étude des investissements.
Première chose à faire, comparer les dotations aux amortissements et provisions sur l’actif immobilisé aux investissements nets.
Ce tableau indique qu’Installux a fortement investi ces six dernières années puisque les investissements nets représentent 178 % des DAP.
Les lettres aux actionnaires nous fournissent les explications :
1- en 2005 Installux a débuté un programme d’investissement pour développer des nouveaux produits pour toutes ses marques.
2- De 2006 à 2008, un programme d’investissement immobilier a été mis en place. Trois sites des sociétés FAC, Roche Habitat et Sofadi-Tiaso ont été agrandis et moderniser. Ce programme a permis notamment à Sofadi-Tiaso de regrouper ses stocks et de réaliser des économies (marge brute améliorée de 4 points).
3- Depuis 2009 et pour 2 ans, l’entreprise entreprend la transition vers un nouvel ERP qui devrait coûter en tout 2 M€.
4- Le partenariat avec Metalès Extruidos a pris un nouveau tournant au S1 2010 avec le rachat par Installux d’une usine d’extrusion de Metalès à Barcelone. La remise en fonction de cette usine va nécessiter 2 M€ d’investissements sur 2 ans.
Malgré ces investissements lourds, la génération de cash-flows libres est restée correcte à 4,3 % du CA par an.
Le ratio Capitalisation boursière/ Cash-Flows Libres moyen 2004-2009 ressort à 11,1x, Installux n’est vraiment pas cher. Si les investissements retrouvent un niveau proche des DAP, la génération de CFL pourrait nettement s’améliorer.
Idéalement l’entreprise doit redistribuer une part de ces cash-flows aux actionnaires. C’est le cas pour Installux qui distribue un dividende régulièrement depuis au moins 6 ans.
Le ratio de distribution est de 45 %, le dividende ne semble pas menacé par une baisse potentielle du résultat net. Le ratio est nettement au dessus des années 2004-2007 car le RN a été affecté par la conjoncture économique.
Est-ce que l’on peut s’attendre à ce que ce dividende augmente à court terme (1 ou 2 ans) ? Je n’en suis pas sûr, le management s’est montré assez prudent dans sa politique de distribution par le passé. Le dividende n’augmentera peut être pas avant que le ratio de distribution soit revenu à un niveau plus proche de l’historique à moyen terme.
Cependant la trésorerie constitue un beau pactole qui ne sert pas à grand-chose. Installux n’a pas dévoilé de plan de croissance externe, le BFR est bien maîtrisé, de nombreux investissements ont déjà été réalisés et nous avons vu que la génération de cash du groupe est largement suffisante pour les couvrir.
La majeure partie des 17,4 M€ de trésorerie (à fin 2009) ne produit pas un rendement très intéressant pour l’actionnaire. Je ne m’attends pas à un dividende exceptionnel, cependant je note que la trésorerie représente désormais une part du bilan supérieure à celle des dernières années (conclusion semblable quand je compare trésorerie et CA).
Cela laisse de la marge pour l’augmentation du dividende à long terme.
Après ce petit tour des finances d’Installux, tout semble excellent. Je n’ai pas noté de facteur de risque financier. Par contre il faudra surveiller les résultats du groupe avec sa nouvelle usine d’extrusion à Barcelone. A priori, l’impact sur les marges devrait être limité. Je m’inquiète surtout pour la rentabilité du capital qui pourrait se détériorer.
Il faut désormais refaire le point sur la valorisation du groupe.
Le prix/ CFL 2004-2009 est de 11,1x, le G&D PE est de 9,1x, le P/B est de 0.84x.
En utilisant seulement les données de 2009, le P/CFL est de 8.22x et le PER de 9,18x.
Sur les dix dernières années, les capitaux propres par action ont augmenté de 9,4 % par an en moyenne. Il semble possible que cette performance soit reproduite à l’avenir si les marges s’améliorent. Cela offrirait un rendement 9 % + 5 % (dividende) par an aux actionnaires.
Par ailleurs le titre semble avoir un potentiel spéculatif, en tout cas relativement à ses capitaux propres. Sur les dix dernières années selon les données de MSN Finances, le ratio P/B moyen est de 1,3x contre 0,84x actuellement.
Ce potentiel ne se réalisera cependant que si la rentabilité retrouve un niveau plus normal (on en revient à cette condition…). Cela semble le cas car le résultat du S1 2010 est très encourageant bien qu’en partie embelli par des coûts d’approvisionnement en deçà de la moyenne à moyen terme.
Un petit résumé
• Installux est une entreprise très stable, avec un bilan très sain et qui connaît une croissance régulière (bien que peu élevée) de son CA et RN.
• La rentabilité et la génération de cash de l’entreprise sont bonnes malgré des investissements lourds.
• Le rendement sur actif que génère Installux SA suggère que cette entreprise a peut être un avantage concurrentiel mais sa nature m’est inconnue.
• Le groupe est en train d’évoluer de son métier de négociant pour intégrer la production, ce type de changement lourd est porteur de risques. De plus, le groupe devra rechercher de la croissance à l’export (Europe)
• Cependant les anticipations du marché pour Installux semblent pessimistes et la société distribue ses bénéfices à ses salariés et ses actionnaires.
Pour ma part, Installux me semble être une bonne affaire au prix actuel, mais il ne faut pas attendre de cette société qu’elle crève le plafond. C’est un investissement paisible, avec un risque baissier faible et un potentiel de rendement qui se situe probablement au delà 15 % par an à long terme.
J'espère que cet exemple concret aidera ceux qui m'ont demandé un tutoriel. Faites moi part de vos impressions s'il vous plaît.
Bas les masques – Gévelot (2) 🎭
Il y a 4 jours