dimanche 7 février 2010

QUE DISENT LES PROS : PAT DORSEY

Bonjour à tous,

Aujourd’hui je vais vous parler d’une livre que je viens d’achever : The Little book that build wealth de Pat Dorsey, directeur de la recherche actions à Morningstar.

Une traduction française existe et s’intitule Le petit livre pour réussir en bourse.

Sous une couverture dorée très tape-à-l’œil et derrière un titre on ne peut plus racoleur se cache une petite merveille.

Ce livre traite des avantages concurrentiels d’une manière extrêmement accessible et complètement orienté vers l’investissement.

J’avais lu L’Avantage concurrentiel de Michael Porter il y a 2 ans environ, car je voulais comprendre comment certaines entreprises parviennent à dégager des rentabilités élevées. Cependant le livre de Porter est très dense et malgré des exemples, je me souviens l’avoir trouvé trop théorique. Je n’étais pas parvenu à bien comprendre le concept d’avantage concurrentiel. En particulier, Porter segmente les avantages en deux catégories dont les contours sont difficiles à appréhender : l’avantage par les coûts et la différenciation.

Le livre de Pat Dorsey est au contraire très synthétique, extrêmement concret, clair et je pense désormais bien mieux comprendre ce qu’est un avantage concurrentiel. Laissez-moi-vous résumer l’intérêt de cet ouvrage.

D’une part, un avantage concurrentiel doit être appréhendé dans l’absolu. C'est-à-dire que certaines industries ou certains secteurs d’activités sont structurellement meilleurs que d’autres. Dans ces industries, il est plus simple de créer un avantage concurrentiel. La 3ème entreprise d’un secteur structurellement meilleur peut tout à fait être plus performante que la meilleure entreprise dans un secteur difficile.

Un exemple : les coûts de substitution sont élevés dans le secteur bancaire. C'est-à-dire que si un client veut changer de banquier, cela lui coûtera cher, en conséquence le taux de rotation des clients dans le secteur bancaire est faible. Cet avantage concurrentiel est propre à de nombreuses banques, c’est ce qui permet au secteur en général d’afficher des taux de rentabilité du capital élevés en moyenne sur long terme. Cependant rien n’empêche l’avantage concurrentiel d’être plus fort pour certaines banques que pour d’autres.

Quels sont les avantages concurrentiels ?

1- Les actifs immatériels :

1.A- les marques : une marque forte permet à l’entreprise de demander plus à ses clients pour un même produit. Un bon exemple c’est Apple. L’Iphone n’est techniquement pas le meilleur téléphone disponible, mais son prix est clairement élevé. Vous avez Coca-Cola ou Red Bull qui bénéficient également de cet effet.

La marque n’est un avantage concurrentiel que lorsqu’elle permet réellement d’atteindre des niveaux de rentabilité supérieure à la concurrence sur longue période. Une marque « non durable » n’est pas intéressante pour l’investisseur (souvenez-vous de Crocs…).
L’avantage concurrentiel résultant d’une marque peut aussi être mis à mal par des évènements portant atteinte à l’image de l’entreprise. Prenons l’exemple de Toyota : ce constructeur a été le premier à introduire la garantie 5 ans il y a déjà pas mal d’années. Globalement il dispose d’une bonne réputation de fiabilité (même si ce n’est pas seulement sur ce critère que l’entreprise a bâti son succès je vous l’accorde). Et voilà qu’un problème l’oblige à rappeler 8 millions de véhicules. Il est probable que Toyota perde sa réputation et que sa marque perde un peu de son lustre. Dans une industrie où l’image de la marque est primordiale, c’est ennuyeux…

1.B- les brevets : les brevets sont intéressants car ils permettent de créer des situations de monopole sur plusieurs années et donc de pratiquer des prix plus élevés. Cependant ils peuvent parfois être contournés plus ou moins légalement, ou bien dénoncés en justice. Si l’entreprise dispose de brevets intéressants mais pas des ressources nécessaires à les défendre efficacement, elle peut très bien perdre son avantage concurrentiel (soit à cause des avocats, soit à cause des contrefacteurs…).

1.C- les licences : Les licences sont des agréments obligatoires qu’une entreprise doit obtenir pour fabriquer tel produit ou offrir tel service. Des exemples concrets : les services de téléphonie mobile (en France du moins), les casinos, machines à sous, les décharges publiques.
Ces obligations réglementaires dressent parfois de hautes barrières à l’entrée qui restreignent la concurrence et créer régulièrement des quasi-monopoles.

Globalement l’avantage concurrentiel est plus puissant et durable lorsqu’il repose sur de nombreux petits avantages mis bout à bout. Par exemple, Procter & Gamble peut compter sur des marques par dizaines, qui ont pour la plupart des positions fortes sur leur segment de marché. Procter est donc bien moins exposé qu’une entreprise mono-marque à un problème.

Pour exemple, prenons Perrier, l’eau gazeuse. J’imagine que tous les français et surement les belges et suisses connaissent cette marque. Aux USA, l’entreprise disposait d’un avenir prometteur et commençait à concurrencer sérieusement les sodas, dont Coca. Du coup Coca à orchestré une campagne de dénigrement et à fait publier une étude qui mettait en cause la sécurité sanitaire de Perrier. Les résultats de cette étude ont par la suite été reconnus comme faux, cependant cette affaire a suffit pour miner l’image de Perrier aux USA. L’entreprise, dont Perrier était la seule marque, s’est retirée du pays peu après.

2- Coûts de substitution élevés :

Une deuxième source d’avantage concurrentiel est des coûts de substitution élevés. Comme évoqués plus haut, les coûts de substitution sont les coûts qu’un client doit supporter s’il souhaite changer de fournisseurs. Lorsque ces coûts sont élevés, les clients sont captifs et l’entreprise peut pratiquer des tarifs élevés plus facilement.

J’ai déjà évoqué l’exemple des banques, les gestionnaires de fonds bénéficient des mêmes coûts de substitutions. Les entreprises logicielles qui fournissent des services et solutions intégrés aux systèmes informatiques ou industriels de leurs clients bénéficient en général de cet avantage concurrentiel, car les coûts de réorganisation et de formation du personnel sont prohibitifs quand le client veut changer de prestataire. Sans parler des risques de disruption ou de perte de données inhérent à chaque réorganisation.

Manutan International a développé un outil logiciel de gestion des achats groupes qui s’intègre directement au SI de ses clients et se synchronise avec leur ERP. C’est à mon avis un outil qui va permettre au groupe d’accroître le coût de substitution auquel auront à faire face ses clients grands comptes.

3- Effet de réseau :

Ce type d’avantage concurrentiel est assez rare mais très puissant. Concrètement, il permet à une entreprise d’attirer des clients sans rien faire.

En fait, l’effet réseau apparaît quand la valeur des produits ou services qu’offre une entreprise s’apprécie avec l’augmentation du nombre de ses clients. Cela créé un cercle vertueux. Vous avez du mal à saisir ? Un exemple vous aidera j’espère à bien cerner l’effet réseau.

Prenons Ebay. Pourquoi beaucoup de gens vont acheter sur Ebay ? Parce que l’offre de produits est importante et qu’on peut trouver facilement à peu près tout et à tous les prix.
Et pourquoi les gens vendent sur Ebay ? Parce que l’on peut y trouver à tout moment un nombre d’acheteurs que l’on ne trouverait nulle part ailleurs.
Plus les acheteurs sont nombreux, plus les vendeurs utilisent Ebay plutôt qu’un autre outil de vente ; et plus l’offre est importante plus les acheteurs viennent acheter ce qu’il cherche sur Ebay.

4- Avantage par les coûts :

L’avantage par les coûts est sans aucun doute l’avantage concurrentiel le plus connu et certainement aussi le plus souvent trompeur pour l’investisseur. Il peut apparaître :

- soit parce que la structure des coûts de l’entreprise est meilleure que celle de ses concurrents,
- soit parce le produit ou service de l’entreprise permet de réduire significativement les coûts de ses clients.

Une entreprise peut avoir un avantage par les coûts basé sur des économies d’échelles ou sur l’accès à une ressource moins chère que ses concurrents.

Les économies d’échelles elles mêmes peuvent être multiples. Elles peuvent se matérialiser dans les industries où les coûts fixes sont élevés. Une entreprise qui dispose d’un CA plus important que ses concurrents pourra mieux amortir les coûts fixes et obtenir des coûts de production moins élevés. C’est assez courant dans les industries lourdes comme le raffinage (Exxon) ou la production d’acier (Arcelor-Mittal).

Ou alors grâce au pouvoir de négociation sur les fournisseurs. Wal-Mart peut sans aucun doute obtenir des prix plus intéressants de la part de ses fournisseurs que n’importe lequel de ses concurrents grâce à la massification de ses achats.

Une entreprise peut obtenir un avantage concurrentiel par les coûts quand elle fait baisser les coûts de ses clients. Encore une fois je cite Manutan et Takkt Group, qui ont indéniablement un avantage sur leurs homologues qui ont des magasins physiques puisqu’ils permettent à leurs clients de commander sans se déplacer des articles. Les entreprises de distribution qui ont un réseau beaucoup plus étendu que leur concurrent peuvent aussi avoir un avantage similaire.

Voilà pour les quelques exemples. J’ai certainement oublié des choses, le sujet est vaste et les cas de figures trop nombreux pour tous les survoler dans un article.

Comment repérer des avantages concurrentiels ?

Savoir qu’ils existent c’est bien, savoir les repérer et les mettre au service de son portefeuille c’est mieux.

La règle N°1 : un avantage concurrentiel doit forcément se traduire par des rendements du capital importants. Le ROA, le ROIC et le ROE d’une entreprise qui dispose d’un avantage concurrentiel doivent être élevés dans l’absolu et sur long terme. Cela n’élimine pas d’éventuels petits passages à vides mais globalement le rendement du capital doit être bon sur 7 à 10 ans si possible. Visez un ROE de 15% ou plus et un ROA au-delà des 7%.

L’autre conseil important que Pat Dorsey nous donne, c’est : Mettez-vous à la place du client de l’entreprise. Ça n’est pas forcément facile, en particulier pour les entreprises qui font du BtoB, mais c’est le meilleur moyen de se faire une opinion.
Qu’est ce qui vous attire (vous déplaît) dans le produit de l’entreprise ? Combien vaut-il par rapport aux produits concurrents ?...

Evidemment une analyse poussée de l’entreprise vous permettra de mieux appréhender l’origine de potentiel avantages concurrentiels. Quel est le business de l’entreprise ? Est-ce qu’elle dessert les particuliers ou les entreprises ? Est-ce qu’elle est dépendante de fournisseurs ou clients en particulier ? D’une matière première ? Quelle est la structure de ses coûts ? L’entreprise détient-elle des brevets ?
Toutes ces infos sont normalement assez faciles à trouver dans un rapport annuel et vous donnerons déjà de bonnes pistes. Les outils de Porter (5 forces) sont assez utiles pour aider à appréhender la situation de l’entreprise.