mercredi 30 décembre 2009

Sur l'importance des actifs et de leur croissance

La plupart d’entre vous à probablement déjà entendu parler des effets Book to Market et Small vs. Big.

Pour les non initiés ces deux effets sont en fait issus de la recherche universitaire sur les marchés financiers.

L’effet Book to Market montre qu’en moyenne sur long terme les entreprise avec un ratio de capitaux propres/ capitalisation boursière élevé performent mieux que celles qui ont un ratio faible.

L’effet Small vs. Big montre que les petites capitalisations surperforment les grosses capitalisations en moyenne sur long terme.

Voilà pour le rappel. Cependant beaucoup d’investisseurs non professionnels ignorent qu’il y a encore de nombreux autres facteurs prouvés empiriquement par la recherche qui peuvent influencer la performance d’une action par rapport à d’autres. Je vais vous en présenter quelques uns sur mon blog, et tenter de vous démontrer comment ils peuvent nous aider dans notre processus de sélection et d’analyse des titres.

Le taux de croissance passée des actifs est l’un de ces indicateurs.

Une excellente étude sur le sujet est The asset growth effect in stock returns, elle a été publiée en janvier 2009 par Messieurs Michael Cooper, Huseyin Gulen & Michael Schill.

Elle est téléchargeable gratuitement sur SSRN (cliquer sur le titre pour y accéder). Je vous encourage à la lire, elle est courte et assez facilement abordable pour les débutants.

De nombreuses études ont par le passé démontré l’influence du poids du bilan et de la croissance des actifs dans les performances boursières mais celle-ci est l’une des rares à être très facile à comprendre et à utiliser une méthodologie simple et à la portée même des débutant.

L’étude porte sur la période de juin 1968 à juin 2006. Chaque année, les auteurs ont classés les actions américaines en déciles selon le taux de croissance de leurs actifs totaux sur l’année écoulée.

Ils ont ensuite considéré un investissement dans le décile 1, soit celui des entreprises ayant connu la plus faible croissance (ou la plus forte décroissance) de leurs actifs sur l’année écoulée. En moyenne sur les 39 années de l’étude, les actions du décile 1 ont fourni une performance de 26% annuellement. En comparaison, les actions du décile 10 (croissance des actifs la plus importante) n’ont fourni qu’une performance annuelle moyenne de 4%.

35 années sur 39, le décile 1 à surperformé le décile 10.

Ces performances sont obtenues pour un portefeuille équi-pondéré, c'est-à-dire que toutes les participations ont la même valeur. Au contraire d’un portefeuille pondéré dans lequel les participations sont pondérées selon leur capitalisation boursière.
Avec un portefeuille pondéré la performance moyenne du décile 1 tombe à 18% et celle du décile 10 augmente à 6%. L’écart reste cependant énorme.

La surperformance persiste jusqu’à 5 ans après la constitution des portefeuilles. Le rendement moyen à 5 ans des portefeuilles équi-pondérés de décile 1 est de 165,8% soit un rendement annuel moyen de 21,6% !

Les actions dont les actifs ont faiblement cru correspondent en moyenne à des entreprises subissant des troubles financiers passagers. Leur performance boursière passée à 3 ans est négative de 34% en moyenne et leur rentabilité est faible ou négative. Cependant ces problèmes sont plus souvent passagers que durable et leurs performances tant financières que boursières profitent d’un retour à la moyenne à court/ moyen terme.

Le retour à la moyenne est un concept fondamental de l'investissement dans la valeur. C'est pour ça que mes analyses remontent souvent 15 ans en arrière pour observer les tendances à long terme et ne pas me faire piéger par des résultats récents.

Que peut nous apporter cette étude ?

Les investisseurs autonomes n’ont pas accès à des bases de données ni à quasiment aucun outils de traitement qui nous permettent de classer tout l’univers des actions selon le taux de croissance des actifs.

Cependant cette étude peut nous servir dans nos analyses de titres. Savoir comment croît une entreprise et être capable d’analyser cette croissance pour en retirer des tendances ou se faire une opinion sur la stratégie du management est indispensable pour dénicher des valeurs exceptionnelles.

Les résultats de cette étude signifient-ils qu’il faut systématiquement écarter de notre sélection les entreprises qui font croître leurs actifs rapidement ? Bien sûr que non.

Mais quand la croissance tant des actifs que du chiffre d’affaires est élevée, il faut se poser les bonnes questions et être sélectif.

D’une part comment l’entreprise fait-elle croître ses actifs et son chiffre d’affaires : organiquement ou par acquisitions ?

Si la croissance est organique il y a des indicateurs pour juger de sa qualité : le Rendement des actifs (ROA) est un bon début. Une comparaison du rythme de croissance des actifs et de celui du chiffre d’affaires sur 5 ans ou plus peut aussi être intéressante quoi qu’un peu fastidieuse.

Pour ma part, je me focalise avant tout sur les flux de trésorerie. Si les actifs et le chiffre d’affaires croissent rapidement, à priori la consommation de trésorerie pour les investissements est élevée. Si une entreprise fait croître ses actifs et son chiffre d’affaires rapidement sans que ses flux de trésorerie disponibles en pâtissent trop, c’est une bonne chose. Pour tester rapidement cela, aller sur n’importe quel site d’information financière et faites le ratio Cash-flow opérationnels/CAPEX sur 3 à 5 ans. Je ne vais pas vous donner un niveau cible, ça peut être très variable d’une activité à l’autre mais en faisant la comparaison avec des concurrents ça peut vous donner une idée sur la qualité de la croissance.

Si la croissance se fait par acquisitions, il y a plusieurs facteurs à tester.
Premièrement au compte de résultat, il faut juger l’évolution de la profitabilité à long terme, si elle est stable ou en augmentation malgré de nombreuses acquisitions, c’est bon signe.

Deuxièmement, au bilan, intéresser vous au niveau de l’écart d’acquisition (goodwill). En principe je n’aime pas du tout les sociétés dont le bilan est blindé d’écart d’acquisition.

Troisièmement, vous pouvez utilisez le ratio Cash flow opérationnels/ (CAPEX+investissements de croissance externe) et le niveau des flux de trésorerie disponibles sur plusieurs années.

Une des premières chose à faire est de jeter un petit coup d’œil aux news de la société sur son site ou sur Reuters. S’il y a eu des acquisitions, vous le verrez et si vous avez de la chance, vous aurez même les montants de CA et parfois de résultat opérationnel des cibles, et le prix payé pour juger.

K-Tron International et Manutan International répondaient parfaitement à mes exigences dans ces domaines. J’avais de bonnes informations sur les acquisitions passées des deux groupes. Par ailleurs leur profitabilité à long terme et leur génération de flux de trésorerie sont en croissance à long terme. Leur politique de croissance externe est prudente tant sur la qualité des sociétés acquises que sur les prix payés.

Et malgré les acquisitions passées, ces deux sociétés ont des écarts d’acquisitions faibles relativement au total de leur bilan.

Il faut aussi se demander pourquoi l’entreprise croît plutôt par acquisitions ou organiquement ? Et quelle est la qualité des actifs qui sont acquis ?

Les actifs ne sont pas que les machines et batiments bien évidemment. Il y a les clients, le savoir-faire, les produits. Tous ces actifs ne sont pas forcément bien valorisés au bilan. La stratégie pour les acquérir peut influencer la stratégie de croissance d'une entreprise.

Prenons l’exemple de Manutan International. Ces dernières années le groupe a continué son expansion organique en Europe parce qu’il restait des marchés largement inexploités (Péninsule Ibérique, Europe de l’est).

Aujourd’hui le groupe couvre tout le continent et a l’ambition de doubler son chiffre d’affaires en 5 ans. Ambition inatteignable avec la seule croissance organique.

Par ailleurs le coût d’acquisition de nouveaux clients est élevé sur le marché de la vente à distance BtoB. Les acquisitions sont un moyen peu cher d’acquérir de nouveaux clients déjà fidélisés.

Si vous regardez l’acquisition de Camif Collectivés, le groupe l’a payé 3,1M€ pour 51300 clients qui sont pour la plupart nouveaux ; Manutan n’était pas très présent sur ce marché auparavant. Ca nous donne un coût d’acquisition d’environ 60€ par client alors que le panier moyen de 2008 est de 2807€ ! Et Camif Collectivités a une marge opérationnelle positive en 2009.

De même pour K-Tron International la croissance s’est faite par acquisitions parce que le groupe avait besoin de diversifier son portefeuille de produits, et il était moins coûteux d’acheter à bon prix des entreprises déjà bien établies et aux business models prochent de celui de K-Tron que de développer des gammes en interne.

Prochainement nous verrons ensemble qu’une entreprise connaissant une décroissance débridée de ses actifs et de son chiffre d’affaires peut effectivement être digne d’intérêt à travers l’analyse d’USA Mobility Inc.

Je profite aussi de l’occasion pour vous souhaiter avec un peu d’avance une bonne année 2010.

mercredi 23 décembre 2009

Analyse de Manutan International (MAN.PA)

Marge de sécurité moyenne : 24,5%.

Manutan International dispose d'un potentiel idéniable et est sous-valorisée au cours actuel. Sa récente acquisition de Camif Collectivités lui apportent de nouveaux clients et une position dominante sur des marchés de niches (éducation et santé) en croissance rapide.

La solidité du bilan et du business model garantit à la société un avenir serein. Cependant les ambitions de croissance du management pourraient entamer la génération de trésorerie du groupe à moyen terme.



















Points positifs :
- Bon développement sur Internet
- Les programmes de modernisation du système d’information portent leurs fruits
- Croissance externe prudente et capacité à saisir les opportunités (Acquisition de Camif Collectivités, 68M€ de CA d’avril à septembre 2009, pour seulement 3,1M€ !)
- Bon maintien de l’activité et de la profitabilité opérationnelle de Camif Collectivités en 2009.
- Les barrières à l’entrée sont élevées.

Points négatifs :
- Objectifs de croissance difficiles à tenir
- Le management embelli la situation (taille du marché, position de Manutan/ à ses concurrents).
- Pas d'amélioration du panier moyen

Liens utiles :
- Page Manutan International, JDF
- Manutan International, site institutionnel
- Etude de la FEVAD sur le marché de la vente à distance BtoB

Pourquoi je m’intéresse à Manutan ?

L’entreprise est solide : ses dettes sont faibles (15% des capitaux propres) et sa trésorerie est abondante et couvre largement les dettes financières. Son current ratio dépasse 2.

L’entreprise est performante : sur 15 ans, aucune perte annuelle n’a été enregistrée. Et l’entreprise a toujours généré des flux de trésorerie disponible sur 10 ans.


La valorisation est raisonnable : L’entreprise est raisonnablement valorisée par rapport à ses actifs net, son résultat net et ses flux de trésorerie disponibles. La marge nette de 2009 de 4,03%, qui est la pire jamais enregistrée par le groupe en 15 ans, correspond au cours du 17 décembre 2009 à un PER de 14.88.
En comparaison la marge nette moyenne sur 10 ans est de 5,6%, le marge de progression est donc conséquente si le groupe peut atteindre à nouveau cette valeur ou la dépasser comme je le pense.

Manutan International, qu'est ce que c'est ?









Profil : généraliste/BtoB/VAD


Filiales : Manutan, Overtoom, Witre, Key, Rapid Racking, Camif Collectivités, Métro Storage Systems, Ipso Presto.

Positionnement : acteur généraliste sur les équipements et fournitures non stratégiques, gamme unique, très large et profonde. Clientèle entreprises et établissements publis, 70% PME/PMI et 30% grands groupes.

Canaux de vente : Catalaogues et call centers, Internet.

Manutan International à été créé en France en 1966. Depuis 1985, l’entreprise est côté sur Euronext Paris. C’est une entreprise familiale détenue directement et indirectement à plus de 70% par la famille Guichard qui l’a fondé. Le groupe emploie environ 1500 personnes au total.

Activité du groupe:

Manutan International est un groupe de vente à distance d’équipements et de fournitures non stratégiques aux entreprises. Le groupe se veut généraliste et vend 200 000 références à environ 600 000 clients dans une vingtaine de pays en Europe.

La gamme est large et offre des fournitures et mobilier de bureau, du matériel de manutention, levage et stockage, des fournitures industrielles, des emballages et produits d’hygiène et de sécurité. Leur gamme est à la fois très large, mais aussi très profonde. Je vous engage à aller sur leur site commercial français (manutan.fr) pour juger de la variété des références.

Manutan se fournit auprès de 2000 fournisseurs mais 42% des achats sont effectués auprès de 100 fournisseurs « groupe » (qui sont communs à toutes les filiales du groupe). Le groupe ne produit plus aucun des objets qu’il vend à ma connaissance.

Aucun fournisseur ne représente plus de 7% des achats, et la part des produits importés (hors d’Europe) est de seulement 6% des achats. De même, aucun client ne représente plus de 2% du CA. Le groupe estime qu’il est facile de changer de fournisseur et qu’il est peu probable qu’il se trouve un jour en rupture de stock sur ses produits.

Manutan est cependant dépendant en partie de certains secteurs comme l’automobile, l’immobilier ou la sidérurgie. Il dessert aussi le secteur de la santé qui est anti-crise. Sa forte diversification, tant en terme géographique que de clients lui permet de résister assez bien aux conjonctures difficiles.

Manutan offre aussi à ses clients des services : devis en moins de 24H, paiement mensuel, purchasing card, facturation électronique, livraison 24/48h, installation, une plateforme d’e-procurement, catalogues sur-mesure, gestion externalisée des stocks.
Le groupe dispose dans toute l’Europe de six centres logistiques. Les livraisons des commandes sont confiées à des sociétés tierces : une à trois dans chaque pays.

Le chiffre d’affaires s’élève à 488M€ pour l’exercice 2009 terminé le 30 septembre dernier. 70% du CA est réalisé avec les PME/ PMI, le solde est réalisé sur les grands comptes. Fin 2008, 25 % du CA était réalisé par internet, un canal de vente en forte croissance depuis sa mise en place en 2002.

Manutan International découpe son activité en cinq zones géographiques :

Sud : France, Italie, Péninsule ibérique

Centre : Allemagne, Danemark et Bénélux

Nord : Scandinavie

Ouest : Grande-Bretagne et Irlande

Est : Etats baltes, Pologne, Hongrie, Russie.








Le management :

Le président du directoire est Mr Jean-Pierre Guichard, tandis que la Directrice Générale est Mme Brigitte Auffret depuis 2006. Cette dernière était auparavant directrice financière depuis 2002. C’est la troisième personne à occuper le poste de DG en moins de 10 ans. Son prédécesseur ayant occupé le poste de 2002 à 2005.

Début Novembre, trois nouveaux membres ont été nommés au directoire : Hervé et Xavier Guichard et Pierre-Olivier Brial qui sont respectivement directeur de la zone sud, directeur des opérations et directeur des zones ouest, est et nord.
Le mandat de tous les membres du directoire se termine en mai 2010.
Dans chaque pays où le groupe est implanté, les filiales sont dirigées par des locaux.

Mme Auffret s’est vu attribuer des stock-options pour 2500 actions à 32,4€ pièce. Elle ne pourra les acquérir qu’en 2011 si elle maintien le ROC à 7% minimum et si le résultat net reste positif d’ici là. Ces options ne seront disponible (exerçables) qu’en janvier 2013.


Stratégie et développement :

L’ambition de Manutan est de devenir le généraliste incontournable de la vente à distance pour les entreprises. Le groupe offre une gamme de produits et de services très semblables à travers les mêmes canaux de vente dans chaque pays où il s’implante.

Depuis 2006, Manutan a axé sa stratégie sur cinq grandes priorités:

1- Le développement de l’internet comme nouveau canal de vente :

Depuis 2002, le groupe a lancé son offre internet qui connaît un franc succès et représentait fin 2008 27% du CA contre 2% en 2002. Le groupe a massivement misé sur ce canal qui a fortement contribué à la croissance du groupe depuis cinq ans, il représentait 125M€ de CA en 2008.

Le groupe dispose de 24 sites marchands dont une filiale 100% internet, IpsoPresto qui vise les PME/TPE qui représentent en France l’immense majorité des entreprises.

2- Dynamiser la croissance organique et externe du groupe :

La direction souhaite doubler le CA d’ici cinq ans. Cet objectif ambitieux nécessitera sans aucun doute d’acquérir des concurrents, la seule croissance organique ne pourra suffire, surtout si l’environnement économique du groupe reste déprimé.

Le groupe poursuit également une politique de croissance externe horizontale. C'est-à-dire qu’il acquiert des entreprises qui font la même chose que lui. Ces acquisitions ont deux objectifs :

- servir de têtes de pont pour envahir de nouveaux marchés, soit géographiquement, soit sur des produits nouveaux.

- conquérir de nouveaux clients ou fidéliser les clients communs.

Ce dernier point est important car le coût d’acquisition de nouveaux clients est élevé dans le BtoB ; entre le coût d’acquisition des adresses et données clients, le coût des catalogues, des promotions, des commerciaux, une bonne acquisition peut considérablement faciliter le travail…

A ce titre les acquisitions récentes de Rapid Racking et de Camif collectivités sont exemplaires. Elles ont apportés respectivement 115000 et 51300 clients, probablement en grande partie nouveaux (le groupe n’était pas très présent en Angleterre ni auprès des collectivités locales).

3- Segmenter davantage l’offre pour attirer de nouveaux clients :

La création d’IpsoPresto est un bon exemple : le groupe tout en restant très généraliste, souhaite développer une offre segmentée. Pour cela il ne joue pas seulement sur les produits mais aussi sur les services offerts.

L’acquisition de Camif Collectivités entre également dans le cadre de cette stratégie en offrant au groupe une filiale spécialisée dans la desserte des collectivités et une ouverture sur le marché des équipements mobiliers de santé. Ce dernier marché est l’une des priorités de développement du groupe pour l’avenir.

La segmentation est aussi géographique puisque chaque filiale développe son propre catalogue en fonction des besoins locaux, même si il existe beaucoup de produits communs.

4- Elargir et approfondir l’offre produit tout en optimisant l’approvisionnement :

Depuis 1999, l’offre s’est déjà élargie, passant de 70 000 à 200 000 références. La gamme de Manutan est la plus étoffée du marché.

L’optimisation de l’approvisionnement est un programme majeur du groupe. Depuis plusieurs années, le groupe a lancé un programme d’achat commun à toutes ses filiales. Ce programme couvre 10 000 références achetées à 100 fournisseurs groupe en 2008 ; et 42% des achats du groupe. A titre de comparaison, le nombre de produits « groupe » en 2004 n’était que de 4000.

5- Mise en place d’un système d’information groupe :

Ce programme devrait permettre de renforcer la diffusion des bonnes pratiques, d’optimiser l’approvisionnement et la relation client. Sa mise en place a eu lieu cette année.

Selon plusieurs articles que j’ai trouvé, le groupe a non seulement mis en place un nouveau SI pour gérer les commandes mais développe également un nouveau système de gestion de ses entrepôts en France, qui devrait par la suite être appliqué dans les autres zones. Ce nouveau système mis en place cette année à déjà permis de très substantiels gains de productivité et la réduction d’un jour du délai de service client moyen (énorme quand le délais de service est de 2 à 3 jours en général).

De plus, ce nouveau système d’information à pour but d’aider le groupe à mieux connaître ses clients sur Internet. Les sites du groupe sont le principal canal de prospection et reçoivent 1,5 million de visites par mois. Si je m'en tiens aux données de 2008 avec un CA de 500M€ et un panier moyen de 360€ par commandes, ça nous fait environ 1.4M de commandes par an. Il ya de la marge de progression si le groupe est à même de proposez à ses clients des offres plus en adéquation avec ce qu'ils recherchent.

Marché :

Le marché de la vente à distance aux entreprises est estimé en Europe à 300 milliard d’euros par an par Manutan. Cette estimation est sans doute un fourre-tout où le groupe a mis tout ce qu’il pouvait, ceci dit le marché est vaste et laisse beaucoup de marge de progression. De nombreuses entreprises, principalement des TPE/PME ne sont pas encore desservies par les vendeurs à distance.

La vente à distance par internet à fait sa révolution pour les particuliers ces dernières années. Les avantages que peuvent y trouver les entreprises sont sensiblement les mêmes, à savoir large choix, coûts réduits, gain de temps et de flexibilité + d’autres avantages spécifiques aux entreprises comme un contrôle facilité des dépenses d’approvisionnement.

La croissance de ce marché dans son ensemble est proche de celle du PIB et connaît des cycles proches de ceux de l’économie. Il ne faut donc pas s’attendre à long terme à une croissance démente.

Comme je l’ai déjà mentionné, le coût d’acquisition des clients est élevé. Le catalogue reste l’outil indispensable pour se faire connaître des clients selon une étude de la Fédération des Entreprises de Vente A Distance (FEVAD). Sa fabrication et sa distribution sont coûteuses et fournissent une barrière à l’entrée élevée.

Cependant grâce à Internet et à une politique d’acquisitions intelligente et prudente, certains acteurs devraient atteindre des taux de croissance supérieurs au PIB pendant encore quelques années au moins. Je pense que Manutan est de ceux là.

Concurrence :

Le groupe fait face sur son marché à une concurrence hétérogène qui va du grand groupe mondial de vente à distance aux chaînes de magasins d’équipements (type Conforama ou Leroy Merlin en France) en passant par des acteurs 100% internet qui ont fait leur apparition sur le marché ces dernières années.

Globalement on peut distinguer entre généraliste et spécialiste (sur un type de produit ou sur une clientèle).

Ci-dessous j’ai fait un tableau assez simpliste de l’état de la concurrence. Les cases surlignées en vert représentent les segments sur lesquels Manutan est présent.
Certaines entreprises comme Manutan dispose d’une offre généraliste, d’autres se spécialisent sur un type de produit. La clientèle peut aussi être segmentée ; d’abord entre particuliers et entreprises ; ensuite entre type d’entreprises ou d’organisations.

Globalement les acteurs uniquement VADistes, uniquement BtoB et généralistes ont de meilleures performances financières et des frais fixes moins élevés. Leur croissance est aussi moins coûteuse et les barrières à l’entrée sont élevées.

Je n'ai pas représenté dans ce tableau le segments de la vente d'équipements aux collectivités faute de données mais Manutan grâce à Camif Collectivités est le deuxième vendeur français sur ce marché avec une position largement dominante sur les équipements aux établissements scolaires et un business d'équipements de santé florissant.













Face à ses concurrents, Manutan dispose d'une taille plus importante (sauf face à Takkt), et surtout de positions dominantes sur des marchés fort rentables en France et dans le Benelux.
En comparaison AJ Produkter est trop spécialisés, Shafer Shop au contraire n'est pas un spécialiste de la VAD d'équipements non stratégiques et L'équipier ne pèse que 4M€ de CA.

Je vais uniquement détailler l’analyse de Takkt, le principal concurrent, et je passerai rapidement en revue les caractéristiques des autres concurrents pour faire le plus court possible.
Les concurrents généralistes :

Les généralistes sont les premiers concurrents de Manutan International car ils sont les plus proches du groupe en terme d’offre de produits et de positionnement. Cependant différents modèles se dégagent. La tendance globale est de segmenter la clientèle et de créer des filiales spécialisées sur un type d’organisation (PME, grands comptes, collectivités) ou un secteur d’activité (industrie, commerce, restauration, santé).

Takkt group : K+K Europa

Profil : généraliste/ BtoB/VAD
Positionnement : spécialiste avec une offre segmentée et personnalisée, gamme large et moins profonde que Manutan.
Filiales : Kaiser+Kraft, Gaerdner, Frankel, ,Gerdmans, Vink Lisse, Kwesto, Topdeq, C&H, Hubert, NBF.
Canaux de vente : Catalogues et call centers, Internet.

Le groupe TAKKT comprend trois division, Kaiser+Kraft Europa, Kaiser+Kraft America et Topdeq. K+K vend des équipements variés pour tous types d’entreprises à travers des marques généralistes ou spécialisées sur un type d’activité. Topdeq vend des équipements et mobilier de bureau haut de gamme uniquement.

K+K Europa c’est 1,1 millions de clients en Europe et une gamme de 50 000 produits pour un chiffre d’affaires de 540 millions d’euros en 2008, avec 976 employés dans 20 pays européens.

Takkt et ses filiales ont une stratégie différente de Manutan. Le groupe allemand se veut spécialiste. La où Manutan impose une marque unique sur une zone géographique, Takkt a plusieurs marques qui sont chacune spécialisées sur un type de clientèle.

Selon Takkt, le positionnement de spécialiste est plus efficace que la stratégie généraliste de Manutan car elle permet une meilleure compétence de la force de vente, une flexibilité, une personnalisation des services et une rapidité supérieure.

Performances financières de Takkt/ Manutan :

Takkt réalise 65% de ses 934M€ de CA en Europe dont 25% en Allemagne. 58% viennent de K+K Europa et 8,9% de Topdeq. Seulement 14% du CA 2008 a été réalisé sur Internet, contre 25% pour Manutan.










La marge brute de Takkt est en moyenne sur les 7 dernières années 1,5 points supérieure à celle de Manutan. Celà peut s’expliquer par la plus grande taille de Takkt qui à un pouvoir de négociation accrue. De plus, sa diversification internationale et la concentration de ses stocks sur quelques très gros entrepots lui permet de faire des économies d’échelle.

La division K+K Europa, qui est présente dans toute l’Europe mais aussi en Turquie, en Chine et au Japon enregistre une marge d’ebitda de 17% à 20,5% depuis 2004. Cette division est le concurrent direct de Manutan. En comparaison Manutan enregistre une marge d’ebitda de seulement 10,5 à 12% sur les 5 dernières années. L’écart est similaire si on utilise le résultat opérationnel (Ebit).

La division Topdeq spécialisée sur le mobilier de bureau a une marge nettement moins importante à moins de 2% sur les neufs premiers mois de 2009 (contre 6,8% en 2008).

La croissance organique sur 2002/08 est supérieure à celle de Manutan et à la croissance moyenne des PIB des pays où est présent le groupe. Celà peut s’expliquer par la présence de Takkt sur plusieurs continents et le développement de filiales dans des pays émergents (Chine, Amérique Latine).

Takkt est significativement plus endetté que Manutan, même si sa génération de cash flows est importante et lui assure une sécurité finanicière. Il faut plus voir dans cet endettement élevé un choix du management (qui utilise l’Economic Value Added comme mesure de la création de richesse) que le résultat de problèmes de financement. L’endettement relativement aux capitaux propres à bondi depuis fin 2008 à cause des distribution de dividendes, du rachat de 10% des actions et d’une hausse du montant des dettes financières.

Globalement la solidité financière de Takkt est bien inférieure à Manutan sans menacer le groupe allemand pour autant.
En 2009, Takkt a du mal à résister à la crise. Le groupe attend un CA en baisse organique de 20 à 25%.

Les deux autres groupes qui offrent une gamme généraliste sont Shäfer Shop et AJ produkter. Shäfer est une faliale du groupe allemand Shaefer Systems International dont le coeur de métier est plutôt la fabrication d’équipements industriels complexes. AJ produkter est beaucoup plus petit que Manutan. Les gammes de ces deux entreprises sont environ aussi larges mais beaucoup moins profondes que celle de Manutan.

Shäfer et AJ produkter représentent selon moi plus des freins potentiels à l’expansion de Manutan que des menaces sérieuses sur les marges et les marchés du groupe.

Concurrents spécialisés sur une gamme de produit :

En plus d’acteurs offrant une gamme large et généraliste, Manutan doit faire face à des concurrents spécialisés sur un type de produits en particulier. Ces concurrents utilisent des canaux de ventes supplémentaire (commerciaux et magasins).

Autre particularité de ces groupes : la livraison est assuré en interne et pas par des prestataires extérieurs.

La majorité des concurrents spécialisés le sont sur les mobiliers et fournitures de bureau. Cette activité est extrêmement concurrentielle et bien moins profitable que la vente à distance d’quipements et fournitures industrielles. Pour exemple, la marge opérationnelle de la division internationale d’Office Depot était de 3,7% en 2008. pour Staples, la marge opérationnelle était en moyenne de 3,3% de 2002 à 2008.

Concurrents 100% internet et distributeurs traditionnels :

Je termine avec ces deux types de concurrents très différents mais qui présentent un risque moindre pour Manutan car ils ont des désavantages soit en terme d’offre, soit en terme de coûts.
Les concurrents 100% internet ont tendance à offrir des produits plutôt pour le bureau et à prix discount. Cependant ils sont moins visibles car ils n’utilisent pas de catalogues. Ils sont spécialisés sur l’informatique et le bureau donc pour le moment la menace pour Manutan est faible. Si à terme leur offre s’étoffe et les comportements d’achats évoluent plus vers Internet ils pourraient menacer la profitabilité du secteur en lançant des guerres de prix.

Les distributeurs traditionnels ne sont pas spécialisés sur la clientèle entreprises. De plus, ils se battent avec un désavantage : le coût qui est plus élevé pour le client qui achète en magasin que pour celui qui achète à distance, produit et prix égaux par ailleurs. Ainsi les marges de la distribution traditionnelle sont plus basses que celles des vendeurs à distance car les frais fixes sont plus élevés. La croissance nécessite aussi davantage d’investissements.

Avis sur la concurrence :

Manutan fait face à une concurrence très hétérogène avec un groupe qui se détache vraiment : Takkt. Ce dernier dispose d’un portefeuille de marques spécialistes qui lui assurent une domination sur des marchés de niches et des performances opérationnelles supérieures.

Sa présence mondiale et sa taille joue comme un levier sur sa croissance et sur son pouvoir de négociation avec les fournisseurs.

Les groupes spécialisés ferment des portes à Manutan mais sur des gammes de produits qui apparaissent peu profitables. Ils sont clairement spécialisés et ne menacent pas à court terme les plates bandes de Manutan sur les équipements et fournitures industriels et de manutention.

Il faut toutefois se méfier des nouveaux entrants qui ont tendances à pousser la bataille sur le prix. Face à ces challengers, la qualité du service, le délai de livraison ainsi que le confort d’achat sont déterminants. Manutan va dans le bon sens avec les programme de renouvellement des outils SI et la réorganisation de son outils logistique que j’ai déjà évoqués.
L’avance de manutan sur Internet devrait également jouer en sa faveur à l’avenir.


Performance à long terme de Manutan International :

Eléments financiers en €










Eléments financiers en %












Note : les flux de trésorerie disponibles que j'ai calculé sont différent de ceux annoncés par la société car ma méthode de calcul est différente. J'ai préféré utiliser ma méthode pour faire l'historique afin de garder une cohérence avec le prévisionnel.

Le CA est en croissance moyenne de 3,9%/ an sur 10 ans. La croissance organique était quant à elle de 2,45% sur 10 ans. Le développement de l’Internet à partir de 2002 et l’ouverture de filiales à l’étranger ont servi de levier pour surpasser la croissance du PIB.

La hausse de la marge commerciale de 5 points depuis le début de la décennie (hors Camif Collectivité) à 39,5% en 2009 est partiellement annulée par une hausse de 3 points des SG&A sur la même période à 30,9% du CA.

La marge commerciale s'est améliorée grâce à la mise en commun des achats au niveau du groupe, qui a accru son pouvoir de négociation avec les fournisseurs. Les dépenses de fonctionnement sont en hausse d'abord sous l'effet de la masse salariale, puis à partir de 2006 à cause d'un nouveau programme de promotions plus aggressif; en particulier de la livraison gratuite à partir de 200€ d'achats.

La marge opérationnelle illustre bien les cycles de l’activité de Manutan mais globalement elle atteint une moyenne à 10 ans de 8,2%.

La variation du BFR à long terme est très faible. Avec des acquisitions il pourrait connaître des poussées de croissance mais à long terme je ne m’attends pas à ce qu’il varie fortement. Seule ombre au tableau, la croissance régulière et importante du délai de recouvrement client, seulement partiellement compensée par une baisse du nombre de jours de stocks.

Concernant l’investissement, la croissance externe n’est pas un outil récurrent de Manutan pour augmenter le CA. Les CAPEX constitue l’essentiel des investissements. La moyenne des investissements en immobilisations sur 10 ans se situe à 2,5% du CA, avec toutefois une grande amplitude selon les années. L’opportunisme du management se retrouve dans les chiffres, puisque tant en valeur qu’en % du CA, les investissements tendent à être plus importants en période de crise (2000/2001 et 2008/2009).

Les fondamentaux sont bons, le current ratio n’est jamais tombé en dessous de 2. La valeur des actifs nets tangibles est en croissance régulière à long terme. Quant au dividende, il sera en 2009 de 1,07€ par action soit un rendement de 2,75%. Le pay-out s’établit à 42%.
Le pay-out historique tourne à 35% environ, là aussi c’est conservateur.

Le nombre d’actions en circulation est le même sur 10 ans. Les rachats d’actions ne servent qu’à rémunérer les membres du directoire et constitue une très faible part du nombre d’actions en circulation. Les membres de la famille Guichard contrôlent plus de 70% du capital depuis 10 ans et ont des actions à droit de vote double.

Performance récente et perspectives :

En 2009, le groupe a connu des conditions difficiles. Le CA est en baisse de 2,75% à 488M€, mais à périmètre constant il diminue de 16%. C’est toutefois mieux que Takkt qui attend une diminution de 20 à 25% sur l’année.

Le groupe indique qu’à périmètre constante, la marge commerciale est à 39,5%, soit un demi-point de moins que l’an dernier. Mais en tenant compte de Camif, la marge commerciale est à un faible 37,2% ! (alors que Camif n’a contribué qu’à hauteur de 14% au CA 2009)

Le ROC reste supérieur à 7% à périmètre constant. Avec la prise en compte des acquisitions et surtout de Camif Collectivités, le ROC n’est plus qu’à 6,4% du CA. A 30,5M€, il est en baisse de 40% sur un an.

Le résultat opérationnel est lui en baisse de 45% et impacté par des charges de restructuration. Ansi le résultat net diminue de 49,5% pour s’établit à 4% du CA. Son plus bas niveau depuis 15 ans.

Les cash-flows sont nettement impactés par le BFR qui pour la deuxième année consécutive augmente fortement de 12M€, soit -2,5% du CA, bien au dessus de la moyenne à 10 ans de -0,4%. L’entreprise fait surtout face à une augmentation de 10 jours du délai de recouvrement des créances clients. 70% des clients sont des PME et la crise leur cause des problèmes de liquidité, mais le groupe est suffisamment solide pour faire face à cette situation temporaire.

Les stocks sont en revanche très bien maîtrisés et leur délai de rotation diminue de 6 jours. Le cash conversion cycle s’établit à 42,5 jours, en hausse de 7 jours pour une moyenne à 10 ans de 32 jours.

Le groupe a poursuivi sa politique d’investissement pour se moderniser avec des CAPEX de 17M€ soit 3,5% du CA.

Je m’attends à une amélioration dans les mois qui viennent grâce à une timide reprise, on semble avoir touché le fond. Ensuite la marge commerciale devrait naturellement profiter d’une mutualisation des achats de Camif avec le reste du groupe. Le pouvoir de négociation de Manutan doit permettre de corriger la différence de marge commerciale entre Camif et le reste du groupe.

Le BFR pourrait retrouver ses niveaux d’avant crise et dégager de la trésorerie à court terme. Mais le délai de recouvrement des créances clients pourrait rester élevé, son augmentation continue sur 10 ans incite à la prudence. Son niveau actuel est cependant gonflé par les effets de la crise qui pèsent sur la trésorerie des PMEs (70% du CA du groupe).

Les restructurations des dernières années qui ont conduit à des investissements importants en SI et logistique vont se poursuivre mais à un rythme moins soutenu avec la fin du programme stratégique 2009. Les CAPEX devraient revenir à un niveau plus proche de la moyenne historique de 2,5% du CA cependant elles devraient être remplacées par des investissements de croissance externe importants.

Il y a également 3 questions que je me suis posé pour établir des perspectives pour Manutan International.

Le groupe peut-il espérer une croissance supérieure à celle de ses concurrents?
Oui car l’avance de Manutan sur Internet est un levier important de croissance. Aujourd’hui Internet est le premier foyer de recrutement de nouveaux clients. C’est probablement l’avance de Manutan sur le Net qui lui a permis de mieux protéger son CA que Takkt sur l’année écoulée. Par ailleurs les acteurs concentrés sur le mobilier et les fournitures de bureau font face à un marché sur lequel le taux d’équipement est déjà très élevé et à la concurrence omniprésente, sans niche de croissance ou de profitabilité. Cependant sur 10 ans il ne faut pas espérer une croissance très supérieure à celle du PIB.

La société sera-t’elle en mesure de saisir de nouvelles opportunités?
Manutan n’a jamais beaucoup augmenter son CA par croissance externe. Jusqu’à maintenant le groupe a acheté des entreprises pour servir de têtes de pont pour conquérir un nouveau marché et a assuré le développement en interne. Aujourd’hui la donne a changé avec l’objectif (ambitieux) du management de doubler le CA en cinq ans.
La politique de croissance a toujours été prudente avec des critères contraignant pour le choix des cibles (CA de 20/100M€ et ROC>7%). Mais le groupe sait saisir des opportunités quand elles se présentent. C’est ce qui s’est passé avec Camif Collectivités qu’il a acheté pour une bouchée de pain : 3,1M€ pour 144M€ de CA!!
Je pense donc que le groupe saura se montrer opportuniste et faire une ou plusieurs acquisitions intelligentes.

Les performances opérationnelles vont-elles s’améliorer à long terme?
On peut raisonnablement le penser alors que la marge opérationnelle et la marge nette 2009 sont les plus basses enregistrées depuis 10 ans et sont environ 2 points inférieures aux moyennes à 10 ans. La structure de coûts du groupe n’est pas modifiée structurellement et tend même à s’améliorer grâce aux programmes de modernisation engagés depuis 2006. Les coûts fixes sont réduits avec le regroupement des plates-formes logistiques, les achats sont mieux maîtrisés grâce à la mutualisation. Bref, il y a de bonnes raisons de croire que la marge commerciale devrait croître et que les coûts opérationnels vont se tasser en % du CA.

Prévisions et Valorisation :

Choix de la marge sécurité :

J’utilise toujours une marge sécurité minimum de 33%.
C'est-à-dire que le ratio Capitalisation boursière/ Valeur = 0.667 ou moins.
Cela correspond à un potentiel d’appréciation de 50%.

Choix du taux d’actualisation :

Je n’utilise pas un taux d’actualisation calculé car je ne suis pas un fan du CAPM et du Beta. Je préfère choisir un taux suivant l’opinion que j’ai de la société.

Le tableau ci-dessous vous permet de comprendre les critères que j’utilise pour son choix.
Le taux de base que j’utilise est 12%. Il correspond à une entreprise en bonne santé, profitable et normalement endettée (ratio dette/capitaux propres =1), sans avantage évident sur la concurrence.

Chaque bonus/ malus compte pour + ou – 1 points de pourcentage maximum, sauf pour le malus de situation financière qui peut atteindre un maximum de plusieurs points de pourcentage si la situation l’exige.

Taux de base 12%
Bonus solidité financière 0,75%
Bonus avantage concurrentiel 0%
Bonus barrières l’entrée 0,5%

Malus mauvaise gestion 0%
Malus situation financière 0%
Malus absence d’avantage sur la concurrence 0%
Malus absence de barrières à l’entrée 0%

Taux d’actualisation retenu 10,75%

Choix du taux de croissance à l’infini :

Manutan se situe sur des marchés déjà matures. Malgré la présence du groupe en Europe de l’est et le développement d’internet, la croissance à long terme ne sera pas supérieure à celle des PIB des économies européennes. En conséquence j’utiliserai un taux de croissance à l'infini de 1,5%.

Je vais établir deux scénarii de croissance et de performances pour les 10 ans à venir. Pour chacun de ces deux scénarii, j’établirai une valorisation de Manutan Intl. Nous vérifierons ensuite si la marge de sécurité est respectée ou non.

Dans chacun des scenarii, j’estime avoir adopté une position prudente, comme à mon habitude. Ces prévisions sont le reflet de mon opinion, si vous en avez une différente sur Manutan Intl, je vous encourage à faire votre propre valorisation et à exprimer votre avis sur ce blog.

SCENARIO 1 : la croissance reste supérieure au PIB grâce à Internet mais est plus faible que sur la dernière décennie, faute d'opportunité de croissance externe intéressante. La marge s'améliore rapidement avec la bonne intégration de Camif Collectivités. Les investissements et le BFR restent proches de leurs niveaux historiques.
Probabilité : 40%.










La marge de sécurité ressort à 21.7%. Un niveau insuffisant pour justifier un investissement.

SCENARIO 2 : Conformément aux prévisions du management, le CA double en 5 ans. Le BFR et les investissements de croissance externe voient leur niveau sensiblement augmenter par rapport à la dernière décennie. La marge subit la politique de croissance et s'améliore lentement pendant les 5 premières années avant de retrouver un niveau normal.
Probabilité : 60%.













La marge de sécurité ressort à 26.3%. Là-aussi cette marge ne me suffit pas. Par ailleurs vous remarquerez que dans ce scénario la génération de FCF est quasi nulle sur les cinq premières années à cause des investissements et que la valeur terminale compte pour les deux-tiers de la valeur d'entreprise, ce qui nécessite de prendre cette dernière avec davantage de précautions.

Sans prendre en compte les investissements de croissance externe, la marge de sécurité serait sans doute atteinte. Mais doubler le CA en 5 ans ne serait pas réalisable sans eux, l’activité de Manutan lui empêchant de croître organiquement beaucoup plus vite que le PIB. A ce titre je juge que contrairement au scénario 1, dans le scénario 2 les investissements de croissances externes ne seront pas des éléments exceptionnels mais récurrents et faisant partie intégrante de la stratégie de croissance du groupe ; il faut donc les intégrer dans les prévisions.

La marge de sécurité moyenne pondérée est de 24.5%. Un bon niveau mais inférieur à mes exigences.

Manutan a cependant du potentiel, surtout si la marge s'améliore plus vite dans mes prévisions, ce qui est possible grâce à la mutualisation des achats de Camif avec le reste du groupe.

VI] Avis et conclusion:

Manutan International est une société en parfaite santé et qui selon moi pourra sans difficulté continuer à croître de manière profitable à l’avenir. Sa bonne résistance à la crise et sa capacité à saisir des opportunités lui ont permis de gagner des parts de marchés ces derniers mois. La capacité bénéficiaire à long terme n’est pas amoindrie et les marges devraient se redresser grâce aux efforts de restructuration entrepris.

Cependant la croissance du groupe est gourmande en investissements qui viennent grever les flux de trésorerie disponible pour l’actionnaire.
L’ambition du management de doubler le chiffre d’affaires à cinq ans pourrait donc se traduire par une diminution de la génération de cash, qui est déjà nettement inférieure à la génération de bénéfice sur long terme.

Ainsi malgré un PER attractif, il me semble que Manutan International n’est pas une opportunité d’investissement exceptionnelle ; mais il est clair que la société présente un potentiel indéniable quelque soit le scénario de croissance qui se matérialisera.


Suite à mes analyses sur K-Tron et sur Manutan, je peux déjà tirer des enseignements.

Le premier d’entre eux est de bien plus me focaliser sur la génération de flux de trésorerie au moment de la présélection et de ne pas me fier simplement à un PER et un P/B faibles.

Un autre enseignement : vu le peu d’enthousiasme qu’a suscité mon analyse de K-Tron International, je vais tenter à l’avenir d’être plus synthétique dans mes présentations et de ne garder que l’essentiel. Je fournirai des analyses plus courtes et je tenterai aussi de les rendre plus claires pour le lecteur. Cependant je ne perds pas de vue que mon objectif premier en créant ce blog est de vous fournir un maximum d’éléments utiles pour que vous puissiez vous faire votre propre opinion.

jeudi 10 décembre 2009

L'avis d'un pro : Anthony Bolton, de Fidelity

On apprend toujours des pros!

J'allais me poser pour ce soir quand je suis tombé sur Valeur & profits sur un commentaire avec un lien pour une vidéo de présentation d'Anthony Bolton à la CFA society, avec ma curiosité j'ai pas pu m'empêcher de cliquer, finalement j'ai tout visionner. Tant pis pour le repos!

Je vous encourage à visionner la vidéo (attention c'est en anglais, mais pas dur à comprendre et puis il y a des diapos pour aider les moins anglophones) :

Présentation d'Anthony Bolton

Il y a à peine une heure je ne connaissais pas ce monsieur mais sa présentation sur la sélection d'un investissement et les pièges à éviter m'a passioné.

Si vous chercher des conseils de bon sens enrobés d'une approche valeur, vous apprendrez beaucoup vous aussi.

Le conseil qui m'a marqué? Quand on investit dans une société, toujours faire une petite thèse très simple avec les arguments qui expliquent notre décision. Vérifier la validité de la thèse régulièrement, et si elle n'est plus valide, vendre la société.

A voir aussi : les qualités nécessaires pour être un bon manager de fond, et donc un bon investisseur, sur la diapo 14.

J'espère que vous apprécierez.

Sur le taux d'actualisation et le taux de croissance à l'infini

Vous aurez sans doute remarqué que j’ai une méthode un peu particulière pour déterminer le taux d’actualisation que j’utilise pour mes évaluations.

Avant de vous expliquer pourquoi j’utilise cette méthode, il faut que je vous explique la méthode couramment utilisée par les professionnels.

Déjà, qu’est ce qu’un taux d’actualisation ?

C’est un taux qui permet de connaître la valeur actuelle d’une somme d’argent à recevoir ou à payer à une date future. Vous voulez un exemple peut être…

John veut investir dans une maison à 200000€ dans 10 ans, il sait qu’il peut placer cet argent à 7,2% par an. Nous avons la somme d’argent future et notre taux d’actualisation, 7,2%, et grâce à ce taux nous pouvons calculer quelle somme John doit placer aujourd’hui pour obtenir les 200 000€ nécessaires à son achat dans 10 ans.

200000*(1+0,072^ (-10))=99788.88€

Grâce au taux d’actualisation, John sait que la valeur actuelle des 200 000€ est 99788,88€.
Le taux d’actualisation se retrouve en faisant la racine 10ème de 200000/99788,88.

Ce taux est indispensable à toute évaluation par méthode DCF car avec cette méthode nous prévoyions des flux de trésorerie qui seront disponible dans le futur, qui par conséquent n’ont pas la même valeur que s’ils étaient disponibles immédiatement. (Si on vous propose 100€ dans 10 ans ou 100€ aujourd’hui, vous préférerez toujours 100€ aujourd’hui).

Selon le MEDAF (Modèle d’Evaluation Des Actifs Financiers) qui est utilisé par tous les professionnels, le taux d’actualisation est équivalent au coût du capital de l’entreprise.

Ce taux se compose de deux éléments : le coût de la dette et le coût des capitaux propres.

Le coût moyen de la dette doit être calculé après impôt. Toute bonne entreprise le mentionne dans son rapport annuel. Il suffit ensuite de le multiplier par 1 – le taux d’imposition de la firme.

Le coût des capitaux propres est un peu plus compliqué, voici sa formule :

Kp=Rf + β (Rm-Rf)

Avec Kp = Coût des capitaux propres
Rf = le taux sans risque qui correspond au taux des obligations d’Etat, en général à 10 ans. Si vous évaluez une entreprise française, prenez le taux des OAT 10 ans, si c’est une entreprise américaine le taux des 10y bond…
β est le coefficient qui reflète la volatilité d’un titre rapportée à celle de son indice ou marché de référence. C’est une mesure du risque, plus le Beta est élevé, plus le risque est élevé et plus le coût des capitaux propres augmentent.
Rm-Rf correspond à la prime de risque du marché par rapport aux obligations d’Etat. Clairement elle se mesure par la différence de la rentabilité à long terme du marché minorée du taux sans risque.

Toutes ces données sont relativement simples à obtenir sur internet.

Le coût du capital s’obtient ensuite en pondérant le coût de la dette avec la proportion de dettes et le coût des capitaux propres avec la proportion de capitaux propres dans la structure financière de l’entreprise.
Proportion de dette = Dettes financières/ Capitaux propres + dettes financières.
Proportion de Capitaux propres = capitaux propres / Capitaux propres + dettes financières.

Alors pourquoi je n’utilise pas le MEDAF ?

D’une part, cette méthode tant à donner une prime aux entreprises les plus endettées. Le coût de la dette est significativement inférieur au coût des capitaux propres en général. Par conséquent, les entreprises les plus endettées ont un coût du capital inférieur et une valeur actuelle plus importante à flux de trésorerie égaux.

Un exemple :

Considérons deux entreprises A et B parfaitement semblables qui dégageront 10000€ de flux de trésorerie dans un an. A n’est pas endettée et son coût du capital est donc égal à son coût des capitaux propres soit 10%. B est endettée son coût du capital est de 7%.

Valeur actuelle de A du flux de A = 10000/1,1 soit 9090,9€.
Valeur actuelle du flux de B = 10000/1,07 = 9345,8€.

Evidemment les dettes de B doivent être soustraites de cette valeur mais je trouve stupide d’accorder une prime à une entreprise parce qu’elle est endettée si ces deux entreprises sont semblables par ailleurs.

Ensuite, les variables utilisées pour calculer le coût des capitaux propres sont mal définies.
Sur quelle période se baser pour calculer la rentabilité moyenne du marché ? (qui sert au calcul de la prime de marché) Quel marché ou indice de référence utiliser ? CAC 40 ? SBF 250 ? Euronext 100 ? DJ Eurostoxx 600 ?...

Vient le β ! Le Beta est très variable suivant les volatilités d’un titre et du marché dans son ensemble. Il est très variable dans le temps, mais aussi très sensible à la durée de la période que vous prenez pour le calculer (en général 3 mois).

Prenons K-Tron International. Son Beta, fourni par Reuters, est de 1,52. (1,64 pour Yahoo Finance)
Ca signifie que quand le marché gagne ou perd un 1%, K-Tron en moyenne gagne ou perd 1,52%. C’est un Beta élevé, K-Tron est donc jugé risqué.

En comparaison, le petit concurrent anglais de K Tron, Clyde process plc, a un beta selon Reuters de 0,8.

Le beta occulte totalement le risque afférent à l’entreprise.

Si on a un peu de bon sens, on voit rapidement que Clyde process est plus risqué que K-Tron. D’une part l’entreprise anglaise est moins diversifiée, tant en terme géographique que dans les produits fabriqués. Ensuite elle est endettée, son ratio dette/ capitaux propres est de 71% selon Reuters, contre moins de 15% pour K-Tron. Sa marge opérationnelle est également moitié moindre… Bref, la comparaison est sans appel, K-Tron semble objectivement moins risqué que son petit concurrent, mais le beta ne nous le dit pas.

Enfin, en utilisant le MEDAF on peut trouver des valeurs pour le coût du capital qui sont à mes yeux dangereuses. Le gros problème avec la méthode DCF c’est qu’une grande partie de la valeur calculée (en général 50% à 10 ans) provient de la valeur terminale des flux de trésorerie de la dernière année. Sur mon scénario 3 pour K-Tron, cette part monte même à 70% environ de la valeur d'entreprise.

D’où l’obligation d’être prudent à la fois dans la détermination de ces flux de trésorerie en prenant soin de vérifier qu’il s’agit d’une valeur soutenable à long terme par l’entreprise.

Mais aussi de ne pas avoir un taux d’actualisation trop faible pour éviter les leviers trop importants et les valeurs farfelues.

Reprenons nos deux entreprises A et B. Imaginons que nous réalisons leur évaluation et que nous trouvons pour chacune des deux entreprises une valeur de flux de trésorerie de 10 000€ la dernière année. Le taux de croissance à l’infini des deux entreprises est de 2%.

Pour calculer leur valeur terminale, nous devons diviser 10000€ par le taux d’actualisation diminué du taux de croissance à long terme :
Soit :
Valeur terminale de A = 10000/(10%-2%)=125000€
Valeur terminale de B = 10000/(7%-2%) = 200000€

Comme vous le voyiez, un taux différent de quelques pourcents et l’estimation de la valeur varie dramatiquement alors que les entreprises sont semblables par ailleurs. Alors imaginez que votre estimation du flux de trésorerie final s’avère surévaluée, l’erreur est démultipliée par le levier du taux d’actualisation.

Voilà pourquoi je préfère déterminer mon coût du capital en prenant pour base 12%, qui est un taux relativement prudent pour une entreprise dont les performances sont correctes et l’endettement contenu (ratio dettes/capitaux propres <1).>Concernant le taux de croissance à l’infini :
Il ne faut jamais prendre un taux supérieur à 3%. Il doit se déterminer en fonction des perspectives de la société, de son marché et de sa présence géographique.

Voilà pour ce vaste sujet que j’ai couvert rapidement. Je vous propose de consulter la Lettres aux actionnaires de décembre 2009 d’Amiral Gestion. C’est une démonstration plus brillante que la mienne de l’inefficience des marchés et du MEDAF (en plus ils ont des graphiques…). Vous la trouverez ici

Pour infos : l’analyse de Manutan International avance bien. Plusieurs concurrents de Manutan sont cotés, j’ai donc des informations plus complètes sur la concurrence et je suis en mesure d’identifier assez clairement les différents business models en présence. Je tacherai cependant d’être le plus synthétique possible.
L’analyse ne sera pas publiée avant la fin du mois, Manutan devant publier ses résultats annuels le 16 décembre.

ERATUM du 30/04/2010 : suite au commentaire d'un lecteur, je m'aperçois que je n'ai pas traité du coût de la dette en détail.

Son calcul est heureusement beaucoup plus simple que celui du coût du capital puisque le coût de la dette est en fait le taux d'intérêt que l'entreprise paye à ses banquiers (exactement comme un particulier). Pour avoir une estimation correcte du coût de la dette, il suffit simplement de diviser les intérêts financiers payés par l'entreprise par sa dette financière.
Si la valeur apparaît fantaisiste sur l'année en cours, faites la même opération pour les années précédentes pour avoir une évaluation plus réaliste du taux d'intérêt.

Une fois que vous avez votre coût du capital et le coût de la dette, il suffit de les pondérer en fonction de la structure financière de l'entreprise.
Pour avoir les parts de capitaux et de dette dans l'entreprise il faut faire les calculs suivants :

Part du capital = capitaux propres/ (capitaux propres + dette financière)
Part de la dette = dette financière/ (capitaux propres + dettes financière)

La formule du taux d'actualisation selon le MEDAF est la suivante :
(Coût du capital*part du capital) + (coût de la dette*part de la dette).

mercredi 2 décembre 2009

Sur le calcul des flux de trésorerie disponible (Free cash Flow)

Il me paraît important de préciser ma méthode de calcul des FTD, les méthodes de calcul utilisées par les professionnels étant légions et fournissant des résultats parfois très dissemblables.

Voici donc la formule que j’utilise pour calculer les FTD :

Résultat opérationnel courant
+ Dotations aux amortissements et provisions
- Investissements en capital (+ investissements de croissance externe)
- Impôt
- variation du besoin en fonds de roulement

= Flux de trésorerie disponible pour rembourser les créanciers et rémunérer les actionnaires.


Il y a deux éléments sur lesquels je veux revenir, d’une part la possible prise en compte des investissements de croissance externe (acquisition d’un concurrent…), et d’autre part sur l’impôt.

Je retranche parfois des flux de trésorerie les investissements de croissance externe car ils entraînent des décaissements de trésorerie qui peuvent être importants et qui ne sont plus disponibles pour les actionnaires. Vous me direz : mais les entreprises peuvent financer leur croissance externe future en s’endettant ?
Oui, en effet, mais les dettes viendront en déduction de l’actif et réduiront de toute façon la richesse des actionnaires.
Il me semble très compliqué de prédire si l’entreprise financera d’éventuelles acquisitions par endettement ou sur fonds propres. Et il me semble encore plus difficile de prédire dans quelle proportion l’endettement augmentera (ou diminuera) à l’avenir.
En revanche, par l’étude sur 10 ans de l’historique de l’entreprise, on peut calculer le montant moyen déboursé pour des acquisitions, en % du chiffre d’affaires. Si ce montant est élevé, il peut avoir un impact important sur le montant de trésorerie finalement généré par l’entreprise qui reviendra effectivement aux actionnaires.

La prise en compte des investissements de croissance externe permet aussi d’établir une discrimination entre les sociétés qui se développent par croissance organique, et celles qui se développent par croissance externe.
Prenons un exemple un peu simpliste :
Nous avons deux entreprises A et B qui sont semblables en tout point et croissent chacune de 15% par an en investissant 5% de leur CA par an.
A réalise cette performance par croissance organique, les investissements sont tous dépensés en CAPEX.
B croît en rachetant ses concurrents, ses CAPEX ne représentent que 2% du CA. Les 3 % restants sont dépensés en acquisitions.

Sans prise en compte des flux de trésorerie consommés par la croissance externe, B est clairement avantagée par rapport à A malgré un niveau d’investissement et donc de flux de trésorerie disponible totalement égal.

La prise en compte des investissements de croissance externe dans le calcul des flux de trésorerie conduit parfois à les minorer significativement. Ceci dit, je rappel que mon objectif est d’identifier des sociétés en bonne santé fortement sous valorisées ; cet excès de prudence me fera sûrement rater quelque belles occasions, mais j’éviterai aussi de nombreuses désillusions. L’entreprise K-Tron Intl que j’ai étudié récemment a accéléré sa croissance de ces dernières années par des acquisitions faites majoritairement sur fonds propres et il serait présomptueux de penser qu’elle pourra soutenir un niveau de croissance aussi élevé dans le futur sans nouvelles acquisitions.

Pour ceux qui ont consulté la valorisation effectuée par le site Old School Value, vous avez constaté que l’auteur de cette valorisation a totalement négligé ce point en prédisant à K-Tron une croissance de 23% par an sur les 5 à 10 prochaines années !

Passons à l’impôt maintenant. J’utilise le taux d’imposition historique (sur 5 à 10 ans) de l’entreprise, calculé en pourcentage du résultat opérationnel. Certains utilisent le taux légal mais pour des entreprises multinationales ce taux est parfois très loin de la réalité.
Par ailleurs, souvent les analystes utilisent un taux historique fourni par l’entreprise et calculé sur la base du résultat avant impôt. Là aussi, ça me paraît être une erreur puisque le bénéfice avant impôt est parfois très différent du résultat opérationnel (s’il y a beaucoup de produits et de charges financiers et exceptionnels). Et comme c’est le résultat opérationnel que j’utilise dans la formule de calcul des FTD, pour être cohérent dans mes prévisions c’est lui que je dois utiliser comme base de calcul du taux d’imposition historique.

Un autre problème avec l'impôt c'est de savoir s'il faut le retraiter ou pas pour prendre en compte l'effet des intérêts financiers sur l'imposition. Une entreprise endettée paye des intérêts qui minore son résultat avant impôt, et donc forcément son impôt. Pour P.fernandez et J.M.Carabias, auteurs de 96 Common Errors in Company Valuations, il faut prendre le taux d'imposition de l'entreprise avec ses dettes donc pas de retraitement à effectuer. Cette méthode avantage les sociétés endettées qui payent moins d'impôts mais elle a le mérite d'être beaucoup plus simple à mettre en place.

Attention aux valeurs que la plupart des sites d’information financière gratuits fournissent. Leurs calculs des Flux de trésorerie disponible sont souvent erronés.

Par exemple le site 123 Stock Screener calcule les Flux de Trésorerie disponible de la manière suivante :
Free Cash Flow = Cash flow from operations – Capital expenditures – Dividendes versés aux actionnaires.

Ce calcul est faux puisque les Flux de trésorerie disponible sont censés représentés ce qui reste pour payer les créanciers financiers et les actionnaires après que tous les décaissements nécessaires à l’activité de l’entreprise et à ses investissements ai été décaissés. Hors ici les dividendes sont soustraits. De même les cash flow from operations sont souvent calculés à partir du bénéfice net, qui inclut les intérêts versés sur la dette qui doivent normalement être intégrés aux flux de trésorerie disponibles.
Le seul mérite de cette formule de calcul est de créer une marge de sécurité naturelle en sous-estimant les Flux de trésorerie disponible, bien qu’elle ne prenne pas en compte les flux de trésorerie de croissance externe.

Ma formule n’est pas parfaite non plus. Et à vrai dire il n’y a pas de mesure parfaite, celle que j’utilise est adaptée à l’usage que je veux en faire.

Pour ceux qui ont déjà quelques connaissances sur le sujet, qui comprennent l’anglais et qui veulent aller plus loin, je vous suggère deux très bons papiers universitaires sur les méthodes de valorisation publiés par deux professeurs de IESE Business School, une école de commerce espagnole :

- Valuing Companies by Cash Flow Discounting: Ten Methods and Nine Theories

- 96 Common Errors in Company Valuations

Ces deux articles sont téléchargeables gratuitement (cliquez sur download puis sur le lien d’une des universités). Vous pourrez vous faire votre opinion sur ma méthode de valorisation et m’en faire part.