dimanche 29 août 2010

Fin de l’aventure Installux : analyse de l’activité et des performances

Après avoir passé rapidement en revue les caractéristiques financières d’Installux et avoir conclu qu’il s’agit peut être d’une opportunité intéressante, il est temps de plonger davantage dans les détails.

L’objectif de cette dernière phase est de mieux comprendre l’activité d’Installux, son positionnement concurrentiel, et de détecter les risques qui pèsent sur le groupe.

Tout d’abord il faut revenir plus en détail sur les activités du groupe

Le groupe Installux a réalisé en 2009 un CA consolidé de 96,8 M€ répartit entre ses différentes filiales.
Les filiales ont des activités différentes, certaines sont principalement des entités commerciales comme la société mère Installux SA et d’autres ont des activités de production en interne.

Voici un tableau récapitulatif de chacune d’entre elles :


















Comme vous le voyez, Installux SA est la locomotive et vache à lait du groupe, les autres filiale ont du mal à décoller. La quasi-totalité du CA se fait en France.

Les sociétés du groupe Installux commercialisent leurs produits à des professionnels qui se chargent de la distribution et de l’installation en France et à l’étranger. La société indique qu’aucun client ne représente plus de 2 % du CA consolidé.

Autre chose à savoir sur l’activité, l’aluminium représente en valeur environ 40 % des achats du groupe. Il faut étudier la marge brute pour vérifier que le groupe gère bien ses achats.

Je reviendrai sur l’activité un peu plus tard. Il est temps de passer à l’analyse des comptes.
Habituellement j’aime avoir un long historique (10 ans), pour Installux nous devrons nous contenter de remonter à 2004. Je n’ai trouvé aucun document financier plus ancien.

Précision : tous les chiffres dans les tableaux sont en millions d’euros, sauf indication contraire.
Bilan : RAS

En première analyse, l’idée était de vérifier la solidité financière du groupe actuellement.
Dans cette deuxième phase, l’objectif est d’observer la structure financière du groupe sur plusieurs années, idéalement 10 ans pour observer d’éventuels changements de politique financière.

Il faut aussi vérifier la nature des dettes, leurs échéances et si il y a du hors bilan.

Pour Installux il n’y a pas de suspense, la société n’a jamais eu plus de 1 M€ de dettes financières depuis 2004 et ses capitaux propres et sa trésorerie ont augmenté sur les 6 dernières années. La liquidité comme la solvabilité ont toujours été très bonnes.
Les engagements hors bilan sont de 72 k€ seulement.


Compte de résultat : stable mais…

Les choses sérieuses commencent.




Le CA a augmenté de 4,8 % environ par an sur les dix dernières années. La crise qui nous touche depuis 2008 ne semble pas affecter trop fortement le groupe qui fait preuve d’une régularité étonnante. En fait, 2009 est la première année de décroissance du chiffre d’affaires depuis 1994.

Premier commentaire : les anticipations que le marché semble faire à propos d’Installux (décroissance irrémédiable à long terme des cash-flows) paraissent pessimistes au regard de l’historique du groupe. Mais peut être que le marché s’attend à ce que les marges du groupe se détériorent ?






Visiblement là aussi l’historique ne semble pas indiquer de tendance baissière (2009 est en baisse pour des raisons évidentes). Les marges se maintiennent bien et rebondissent fortement au S1 2010 à la faveur d’un aluminium moins cher et de réduction de coûts.

Installux semble aussi bien gérer ses achats puisque sa marge brute reste assez stable à moyen terme alors qu’entre temps les cours de l’aluminium et du dollar (l’alu se négocie en dollars) ont été volatiles.

Visiblement pas d’alerte majeure sur les résultats. Il est temps de voir ce qu’Installux a dans le ventre, pour cela il faut étudier la rentabilité par rapport à l’actif et aux capitaux propres.

Ces chiffres sont ceux du groupe ; cependant comme nous l’avons vu c’est Installux SA qui est le seul maillon fort du groupe et qui génère la grande majorité de la rentabilité.




Le rendement sur l’actif ressort à 8,9 % en moyenne sur 6 ans, et le rendement des capitaux propres à 13,7 %. C’est bon. Le ROE est relativement peu élevé car Installux n’utilise pas de levier financier.

Compte tenu de la rentabilité qu’arrive à dégager Installux sur ses actifs il est possible que l’entreprise Installux SA dispose d’un avantage concurrentiel. C’est là que le travail se corse. Je n’ai trouvé sur le Net aucune information chiffrée sur le marché d’Installux et sa part de marché mis à part qu’Installux SA semble leader en France sur les produits du bâtiment en aluminium (fenêtres, portes, cloisons…).

J’ai trouvé peu d’infos sur la concurrence, mais j’ai quand même identifié des concurrents de taille équivalente à Installux même si certains ne font pas que de l’aluminium (K.Line, Atlantem, CAIB, Atrya…). Il faut noter que l’aluminium est derrière le PVC pour la fabrication des fenêtres (21 % de PDM en volume mais 34 % en valeur en 2008), mais en croissance. Je n’ai pas trouvé de données pour les portes et cloisons.
En clair, le marché français paraît assez éclaté et même si Installux est leader, il est peu probable que le groupe dispose d’un avantage par la taille ou des économies d’échelle sur ses concurrents.

Partant de là on ne peut faire que des suppositions sans grande valeur. Peut être qu’Installux dispose d’un réseau de distribution que ses concurrents ne peuvent égaler ou d’une réputation supérieure. Ces deux suppositions me paraissent les plus plausibles au regard du business mais en l’absence d’éléments pour les étayer, il faut les prendre avec beaucoup de scepticisme.

Que peut-on attendre à l’avenir ?

Actuellement Installux SA est un négociant. L’entreprise conçoit des produits, un industriel les produit et Installux les lui achète pour les revendre en l’état (ou avec des modifications mineures).

Depuis le début des années 2000 Installux mène une politique d’intégration verticale, c'est-à-dire que le groupe acquiert des fournisseurs ou clients.
France Alu Color a été acheté en 2002 pour réaliser le laquage. Et au S1 2010 le groupe a acquis une usine d’extrusion (production de profilés en aluminium) à Barcelone auprès de son partenaire Metalès Extruidos.

Cette acquisition va permettre à Installux d’assurer en interne la production des profilés qui est pour l’instant externalisée. Le groupe sera en mesure de mieux contrôler ses coûts, notamment sur certains profilés fabriqués en petite série, et de se mettre au niveau de ses concurrents qui sont intégrés sur toutes les étapes de la chaîne de valeur des produits.

L’effet sur les marges ne sera cependant pas très important selon moi. L’activité d’extrusion ne semble pas très rentable : 1 % de marge pour Metalès, environ 1,4 % en 2008 et 0 % en 2009 pour l’activité extrusion d’Hydro, le leader européen de l’aluminium.

Je ne vois pas d’éléments qui indiquent qu’une détérioration des marges est à attendre, mais peut être que ma méconnaissance de l’environnement concurrentiel d’Installux me trompe.
Cependant pour continuer à croître Installux devra davantage se tourner vers l’Europe et il n’est pas garanti que le groupe parviendra à imposer ses produits sur ces marchés.

Les flux de trésorerie : du potentiel

Dans le tableau des flux de trésorerie, il faut contrôler la qualité du flux opérationnel, le BFR et sa variation, les investissements et la distribution.

A moyen/ long terme, les flux de trésorerie opérationnels doivent être supérieurs au résultat net.





Pour Installux, le ratio BFR/ CA est très stable. En cas de variation importante, il faut en rechercher la cause. Cela peut provenir d’un changement dans la politique d’achat ou de vente de l’entreprise, des impôts différés ou être le signe de problèmes plus graves.
Les explications se trouvent généralement dans le rapport annuel.

Passons à l’étude des investissements.
Première chose à faire, comparer les dotations aux amortissements et provisions sur l’actif immobilisé aux investissements nets.





Ce tableau indique qu’Installux a fortement investi ces six dernières années puisque les investissements nets représentent 178 % des DAP.
Les lettres aux actionnaires nous fournissent les explications :

1- en 2005 Installux a débuté un programme d’investissement pour développer des nouveaux produits pour toutes ses marques.

2- De 2006 à 2008, un programme d’investissement immobilier a été mis en place. Trois sites des sociétés FAC, Roche Habitat et Sofadi-Tiaso ont été agrandis et moderniser. Ce programme a permis notamment à Sofadi-Tiaso de regrouper ses stocks et de réaliser des économies (marge brute améliorée de 4 points).

3- Depuis 2009 et pour 2 ans, l’entreprise entreprend la transition vers un nouvel ERP qui devrait coûter en tout 2 M€.

4- Le partenariat avec Metalès Extruidos a pris un nouveau tournant au S1 2010 avec le rachat par Installux d’une usine d’extrusion de Metalès à Barcelone. La remise en fonction de cette usine va nécessiter 2 M€ d’investissements sur 2 ans.

Malgré ces investissements lourds, la génération de cash-flows libres est restée correcte à 4,3 % du CA par an.





Le ratio Capitalisation boursière/ Cash-Flows Libres moyen 2004-2009 ressort à 11,1x, Installux n’est vraiment pas cher. Si les investissements retrouvent un niveau proche des DAP, la génération de CFL pourrait nettement s’améliorer.

Idéalement l’entreprise doit redistribuer une part de ces cash-flows aux actionnaires. C’est le cas pour Installux qui distribue un dividende régulièrement depuis au moins 6 ans.





Le ratio de distribution est de 45 %, le dividende ne semble pas menacé par une baisse potentielle du résultat net. Le ratio est nettement au dessus des années 2004-2007 car le RN a été affecté par la conjoncture économique.
Est-ce que l’on peut s’attendre à ce que ce dividende augmente à court terme (1 ou 2 ans) ? Je n’en suis pas sûr, le management s’est montré assez prudent dans sa politique de distribution par le passé. Le dividende n’augmentera peut être pas avant que le ratio de distribution soit revenu à un niveau plus proche de l’historique à moyen terme.

Cependant la trésorerie constitue un beau pactole qui ne sert pas à grand-chose. Installux n’a pas dévoilé de plan de croissance externe, le BFR est bien maîtrisé, de nombreux investissements ont déjà été réalisés et nous avons vu que la génération de cash du groupe est largement suffisante pour les couvrir.
La majeure partie des 17,4 M€ de trésorerie (à fin 2009) ne produit pas un rendement très intéressant pour l’actionnaire. Je ne m’attends pas à un dividende exceptionnel, cependant je note que la trésorerie représente désormais une part du bilan supérieure à celle des dernières années (conclusion semblable quand je compare trésorerie et CA).





Cela laisse de la marge pour l’augmentation du dividende à long terme.

Après ce petit tour des finances d’Installux, tout semble excellent. Je n’ai pas noté de facteur de risque financier. Par contre il faudra surveiller les résultats du groupe avec sa nouvelle usine d’extrusion à Barcelone. A priori, l’impact sur les marges devrait être limité. Je m’inquiète surtout pour la rentabilité du capital qui pourrait se détériorer.

Il faut désormais refaire le point sur la valorisation du groupe.

Le prix/ CFL 2004-2009 est de 11,1x, le G&D PE est de 9,1x, le P/B est de 0.84x.
En utilisant seulement les données de 2009, le P/CFL est de 8.22x et le PER de 9,18x.

Sur les dix dernières années, les capitaux propres par action ont augmenté de 9,4 % par an en moyenne. Il semble possible que cette performance soit reproduite à l’avenir si les marges s’améliorent. Cela offrirait un rendement 9 % + 5 % (dividende) par an aux actionnaires.

Par ailleurs le titre semble avoir un potentiel spéculatif, en tout cas relativement à ses capitaux propres. Sur les dix dernières années selon les données de MSN Finances, le ratio P/B moyen est de 1,3x contre 0,84x actuellement.

Ce potentiel ne se réalisera cependant que si la rentabilité retrouve un niveau plus normal (on en revient à cette condition…). Cela semble le cas car le résultat du S1 2010 est très encourageant bien qu’en partie embelli par des coûts d’approvisionnement en deçà de la moyenne à moyen terme.

Un petit résumé

• Installux est une entreprise très stable, avec un bilan très sain et qui connaît une croissance régulière (bien que peu élevée) de son CA et RN.

• La rentabilité et la génération de cash de l’entreprise sont bonnes malgré des investissements lourds.

• Le rendement sur actif que génère Installux SA suggère que cette entreprise a peut être un avantage concurrentiel mais sa nature m’est inconnue.

• Le groupe est en train d’évoluer de son métier de négociant pour intégrer la production, ce type de changement lourd est porteur de risques. De plus, le groupe devra rechercher de la croissance à l’export (Europe)

• Cependant les anticipations du marché pour Installux semblent pessimistes et la société distribue ses bénéfices à ses salariés et ses actionnaires.

Pour ma part, Installux me semble être une bonne affaire au prix actuel, mais il ne faut pas attendre de cette société qu’elle crève le plafond. C’est un investissement paisible, avec un risque baissier faible et un potentiel de rendement qui se situe probablement au delà 15 % par an à long terme.

J'espère que cet exemple concret aidera ceux qui m'ont demandé un tutoriel. Faites moi part de vos impressions s'il vous plaît.

mardi 10 août 2010

Suite de nos péripéties : 1ère phase d'une analyse boursière avec Installux

Maintenant que je vous ai parlé de quelques pièges de notre système de pensée, il est temps de mettre en application avec un cas réel.

Pour cela j’ai sélectionné Installux, une entreprise cotée à Paris et que j’ai découverte grâce à mes amis de Valeur et Conviction.

Première chose à faire avant de se lancer, s’informer sur l’activité de l’entreprise. Voici ce que nous en dit Boursorama :

Installux est spécialisé dans la conception et la distribution de profilés et d'accessoires en aluminium. Le groupe développe également des activités de conception, d'assemblage et de commercialisation de stores monoblocs, de produits d'agencement et de cloisons amovibles. L'activité du groupe s'organise autour de 4 familles de produits et services :
- profilés et accessoires en aluminium : destinés à la fabrication de fenêtres, de portes, de façades, de vérandas, de portails, de verrières, etc. Les produits sont commercialisés auprès des professionnels du second oeuvre (notamment métalliers, agenceurs, miroitiers et menuisiers) ;
- produits d'agencement et cloisons : produits d'agencement tertiaire et commercial (habillages, crémaillères, vitrines, tableaux d'affichage, mobilier, etc. ; Sofadi), et cloisons amovibles en aluminium (Tiaso) ;
- stores monoblocs (Store Roche) : stores de terrasses, de fenêtres, de vérandas et stores spécifiques pour balcons, boutiques et grandes terrasses, etc. ;
- autres : notamment services de laquage.

A première vue c'est plutôt de l'industriel donc.

Deuxième chose à faire, consulter le prix. Nous n’avons pas tout notre temps donc il faut faire un peu de sélection dès le départ si nous voulons maximiser nos chances de trouver de belles opportunités d’investissement. Pour celà je comparerai le prix à différentes variables issues dans états financiers.

Installux vaut 140 € par action au 10/08/2010, et il y a 303 500 actions en circulation ce qui nous donne une capitalisation boursière de 42 490 000 €.

Le bilan est la première étape

Une chose importante : assurez-vous de bien regarder les bons états financiers, Installux SA étant la société mère de tout un groupe, il faut utiliser les états financiers consolidés et non pas les comptes d'Installux SA (société mère).

Je regarde habituellement au moins ces éléments :

- le ratio dette/ capitaux propres (solvabilité) => inférieur à 1x, de préférence inférieur à 0,5x.
- le ratio actif courant/ passif courant (liquidité ou current ratio) => de préférence supérieur à 2x.
- trésorerie/ dette nette => de préférence une trésorerie nette positive.
- présence ou non d’actifs intangibles et leur importance par rapport au total de bilan => de préférence pas ou très peu d'actif intangible, en particulier écarts d'acquisition (goodwill).

















J’apprécie les sociétés dont le bilan est majoritairement composé d’actifs liquides, ce qui est le cas avec Installux.

















Installux n’a quasiment aucune dette financière, et ses capitaux propres représentent 70 % du total bilan, c’est excellent. Son current ratio est également très bon à 2,67.

Les actifs intangibles sont très marginaux (1 M€) donc la valeur aux comptes des capitaux propres peut être considéré comme une bonne estimation. Idem pour les intérêts minoritaires.
La trésorerie nette ressort à 17 234 k€ et couvre 40,6 % de la capitalisation boursière, un tel ratio est plutôt rare et très bon.
Les capitaux propres ne couvrent que 88 % de la capitalisation boursière. Un ratio inférieur à 100 % indique généralement une société qui n’est pas rentable ou qui connaît des difficultés.

Pourtant en regardant la ligne "Réserves et résultats consolidés", il semble qu’Installux soit rentable puisque ce poste a augmenté entre 2008 et 2009.


Un coup d’œil au compte de résultat

Dans le compte de résultat, les points importants à regarder peuvent varier selon l’activité de l’entreprise étudiée. Par ailleurs une analyse sur une seule année n’apprend rien de bien intéressant, seule l’étude des performances sur plusieurs années est instructive.

Mais dans le cadre d’un premier regard, contentons nous des deux dernières années. Les points importants quelque soit l’entreprise sont le chiffre d’affaire, le résultat opérationnel et le résultat net.
Je suggère de rapporter chacun de ces éléments à la capitalisation boursière pour détecter des éventuelles anomalies.

La marge nette est de 4,8 % et le taux de rentabilité des capitaux propres est de 9,65 %.

Ici le PER 2009 est de 9,27x. C’est assez faible.

























Installux n’est pas concerné mais lorsque vous découvrez une entreprise qui se vend plus de 4 ou 5 x son chiffre d’affaires, soyez très prudent. Une telle valorisation ne peut être justifiée que par des marges très élevées. De plus avec une valorisation si importante il est peu probable que vous disposiez de la moindre marge de sécurité.

En général pour les sociétés industrielles il est intéressant d’étudier l’évolution de la marge brute (pour Installux le ratio achats consommés/ CA) sur 7 à 10 ans.

Premier commentaire : Installux est tout à fait rentable (au moins depuis 2008), il n’est donc apparemment pas normal qu’elle se vende avec une décote sur ses capitaux propres. Peut être cette décote provient-il d'une incapacité d'Installux à générer beaucoup de cash-flow libre ; à cause de besoin d'investissement élevés notamment ?



Dernière étape : le tableau des flux de trésorerie

J’avais déjà un peu parlé de ce tableau dans mon article d’avril 2010.
Il y a à mon avis quatre éléments à regarder :
- la part du résultat net dans le flux de trésorerie opérationnel.
- La variation du BFR
- Les investissements et acquisitions
- Les distributions de dividendes et/ou rachat d’actions.

Le FTO est de 8 307 k€ en 2009. Le RN correspond à 56 % du FTO, c’est un ratio plutôt bon.

J’exige toujours que le FTO soit supérieur au RN en moyenne sur plusieurs années. Si le RN est régulièrement supérieur au FTO, cela indique en général une mauvaise qualité du résultat.
Cependant le RN doit être la principale composante du FTO car des flux de trésorerie provenant d’une réduction du BFR ou d’autres éléments sont en général bien moins durables.

Pour le calcul de la variation du BFR, il faut soustraire le décaissement d'impôts qui est comptabilisé dans ce poste dans les comptes d'Installux. La variation réelle du BFR est donc une diminution (dégagement de trésorerie) de 1 273 k€ en 2009. Pour une entreprise industrielle, il est plutôt rare de voir un BFR en diminution.
Il faudra étudier la variation du BFR sur plusieurs années pour établir son impact réel.

En général j’aime bien comparer le BFR au RN. Plus le ratio Variation du BFR/RN est faible, mieux c’est.

Le ratio Investissements nets/ FTO est de 43 %, c’est assez important mais à priori cela semble normal pour une entreprise industrielle. A voir sur le plus long terme.
Remarquez que les investissements matériels sont supérieurs aux dotations aux amortissements, l’inverse aurait été mauvais.

Les cash flows libres (ou free cash flows) sont de 5 202 k€ soit 5,4 % du CA. Et surtout à ce prix, Installux ne se vend que 8,2x ses cash flows libres. C'est un ratio très faible. A voir sur plus long terme.
En 2008, la génération de cash-flows libres était également positive à 4 260 k€.

Pour les dividendes et rachats d’actions, comparez-les à la capitalisation boursière et au résultat net pour vous donner une idée du rendement global pour les actionnaires et de la soutenabilité de ce rendement. Installux a émis quelques actions pour 146 k€ en 2009, il faut soustraire ce montant du total des dividendes.
Le ratio de distribution est de 42 % ce qui est correct. Le rendement pour les actionnaires atteint 4,64 %. Ca aussi c’est plutôt pas mal.



























Après ces quelques remarques, il est temps de tenter de découvrir quels sont les attentes du marché concernant Installux. Pour cela, pas besoin de boule de cristal, il suffit d'utiliser la méthode DCF mais de façon inversée.
Cette méthode va me permettre de trouver le taux de croissance des cash-flows d’Installux que le marché semble attendre compte tenu de la capitalisation boursière et des cash flows libres (CFL) actuels. J’ai utilisé la moyenne des CFL de 2008 et 2009 comme valeur de départ.












Comme vous le voyez, le marché s’attend actuellement à ce que les cash flows libres d’Installux baissent en moyenne de 4 % par an sur les dix prochaines années, et qu’ils ne croissent plus jamais par la suite.

En vérité Installux n’a jamais connu d’exercice déficitaire depuis 10 ans et la régularité de ses résultats est excellente. Son bénéfice par action moyen sur les dix dernières années est de 15,49 €. Le nombre d’actions en circulation n’ayant pas été modifié, ce chiffre n’est pas biaisé.

Le ratio PER de Graham & Dodd ressort donc à 140/15,49 soit 9,04x. Rappelez vous que la zone de bas prix se situe en dessous de 13x. Installux a donc de bonnes chances d'être une bonne affaire.

Voilà pour ce premier tour rapide d’Installux. La prochaine étape est l’étude sur le plus long terme de cette entreprise. Mais ce que nous pouvons déjà dire c’est que le prix auquel se vend Installux semble étonnamment bas au regard de ses performances récentes et sur 10 ans.

Une analyse plus détaillée est nécessaire pour comprendre comment Installux fonctionne, tenter de déterminer si ses résultats sont durables et trouver ce qui peut expliquer une si faible valorisation boursière (si il y a une explication rationnelle).

lundi 9 août 2010

L’investisseur face à son cerveau

Plusieurs lecteurs m’ont demandé un tutoriel. Je n’aime pas trop ce genre d’exercice car il n’y a pas de recette miracle qui fonctionne pour tous les investisseurs.

Cependant j’ai récemment lu les livres de James Montier et de Phil Rosenzweig qui peuvent à mon avis aider les personnes qui souhaite organiser leur processus d’investissement pour augmenter leurs chances de succès.

L’investisseur est exposé à quelques pièges de son esprit qu’il est important de connaître

L’investisseur est régulièrement trompé par les réflexes de notre mode de pensée et par ses sentiments. Heureusement plusieurs auteurs ont mis en lumière ses pièges et nous proposent des solutions pour les éviter.

Phil Rosenzweig est l’auteur du livre The Halo Effect and the eight other business delusions that deceive managers.
Cet excellent livre est avant tout destiné aux managers mais peut avoir une grande utilité pour les investisseurs. Globalement Phil Rosenzweig nous apprend que nous sommes sujets à plusieurs biais psychologiques :

Le premier est le fameux effet de Halo : il s’agit de notre tendance à juger d’une entreprise ou d’un manager ex post en fonction de la performance de cette entreprise ou de ce manager.

En se focalisant sur la performance comme seul critère de jugement de la qualité, nous sommes détournés de ce qui compte vraiment : le processus et les décisions qui ont permis d’atteindre cette performance.

Un bon exemple d'effet Halo est présent dans cet article de Motley Fool : 5 stocks for retirees to get rich. L'auteur justifie son choix de ces 5 actions sur la base de leur performance boursière des cinq dernières années. Pourtant les variations de cours du passé ne sont pas un bon présage des variations de cours à l'avenir.

Phil Rosenzweig conseille donc de mesurer la performance et son évolution sur le long terme pour s’assurer au moins que cette performance est durable. Une performance durable sera plus probablement le signe d’une certaine qualité. C’est en fait assez proche de ce que préconise Benjamin Graham.

La seconde illusion provient de notre tendance à confondre corrélation et causalité. L’être humain en général est rassuré par les belles histoires, celles qui font paraître chaque action, chaque évènement comme le produit d’un processus clair, précis et cohérent.

De même nous sommes piégés par l’illusion « d’un travail de recherche rigoureux ». Une belle analyse boursière, bien construite et apparemment exhaustive paraîtra généralement comme plus crédible à nos yeux qu’un simple ratio. Pourtant si vous regardez une société comme BAIDU (le Google Chinois), vous aurez beau avoir la plus exhaustive des analyses du monde, cela ne changera pas le fait qu’actuellement la société se vend à un ratio Capitalisation/ chiffre d’affaires supérieur à 20x. Et historiquement la probabilité de sous-performer le marché avec un ratio semblable est élevée.

Je suis moi-même souvent piégé par ces deux illusions, j’essaye de donner un sens aux actions des entreprises que j’analyse, j’essaye de ne pas laisser de zones d’ombres (pour ceux qui m’ont déjà lu, je crois que mes analyses à rallonge sont bien le témoignage de ce biais). Cela peut conduire l’investisseur à une fausse sensation de sécurité.

Une dernière illusion qu’il me semble important de connaître : l’illusion du succès éternel. Généralement il existe une corrélation importante entre l’historique de performance récent d’une entreprise et les prévisions sur sa performance future.
Selon James Montier, auteur de Value Investing, cette illusion s’exprime particulièrement chez les investisseurs qui utilisent des méthodes de valorisations nécessitant de faire des prévisions comme la méthode DCF. Cela provient de notre biais pour l’optimisme, nous avons tendance à être plus optimistes que pessimistes. Ce trait de caractère est un héritage de notre évolution.

Pour ma part j’ai souvent utilisé la méthode DCF et il est certain que j’ai été sujet à cette illusion. J’ai récemment délaissé progressivement cette méthode au profit des ratios, plus intuitifs.

Back to Basics

Phil Rosenzweig nous rappel que le succès n’est jamais assuré, tant pour les managers que pour les investisseurs. Il conseille aux managers de toujours garder en tête que l’incertitude ne peut jamais être abolie complètement. Il est donc primordial de l’intégrer dans la planification d’une stratégie claire et la détermination d’un plan d’action précis pour exécuter efficacement cette stratégie.

L’investisseur a pour objectif la maximisation de son retour sur investissement à long terme.

De nombreuses études ont montré qu’à long terme le principal conducteur de la performance boursière est le prix payé. Une stratégie qui consiste à acheter des actions faiblement valorisées par le marché a donc de bonnes chances d’être gagnante à long terme.

Comment exécuter cette stratégie ? Puisque les méthodes faisant appel à la prévision sont biaisées, nous devons nous en remettre à des mesures plus simples : les ratios.

Les ratios recommandés par James Montier sont le PER 10 ans (ou Graham & Dodd PE) et l’actif courant net.
Selon Graham un ratio de 13 ou moins pour le PER 10 ans est signe d’une entreprise pas trop chère.
D’autres préfèrent rapporter leur prix d’achat aux capitaux propres, ou au dividende.
Pour ma part je garde ma préférence pour les Free Cash Flows mais je n’ai pas de problème à utiliser les autres indicateurs évoqués.

Je ne préconise aucun de ces ratios en particuliers, à vous de voir lequel est le plus « confortable ».

Il existe des screeners gratuits qui peuvent nous aider dans ce travail même si leur fiabilité n'est pas exemplaire. J'utilise régulièrement celui du Financial Times qui est le seul que je connaisse à couvrir l'ensemble des marchés mondiaux. C'est un bon point de départ.

La plus grande des illusions

Nous avons (presque) tous tendance à penser que nous sommes meilleurs pour sélectionner des investissements que des modèles purement mécaniques (comme par exemple acheter les titres qui cotent sous 0,7x leur valeur d’actif courant net de toute dette). Ce qui est généralement faux.

Je suis malheureusement aussi sujet à cette illusion (encore une fois mes analyses à rallonge parlent pour d'elles mêmes). C’est déprimant de penser que des « robots » pourraient faire mieux que nous mais c’est la triste vérité.

C’est parce que nous sommes incapables de prédire ce qu’il adviendra d’une entreprise qu’il est important d’acheter des entreprises quand leur valorisation boursière est faible en comparaison de leur valeur intrinsèque.

Le cours de bourse n’est que le reflet des attentes des investisseurs, un faible prix est donc le reflet de l’attente de mauvais résultats. Au cas où les résultats sont mauvais, le cours de bourse sera faiblement impacté car les résultats seront conformes aux prévisions du marché. Si au contraire les résultats sont meilleurs que prévus, le potentiel de hausse est d'autant plus élevé que le "point de départ" est bas.

C'est le concept bien connu de marge de sécurité. Cette marge permet de limiter la casse dans le cas (probable) où nos prévisions ne se réalisent pas.

lundi 2 août 2010

UPDATE NEUTRAL TANDEM – 2ème Trimestre 2010

Neutral vient de publier ses résultats du second trimestre.

Pour les marchés c’est clairement décevant : le titre a chuté de plus de 15 % pour tomber à son plus bas niveau historique.

Vendredi il a clôturé à $10,7 soit une capitalisation d’à peine 354 M$.

Pour moi, l'opportunité est encore plus belle.

Globalement la croissance du CA diminue à cause de la baisse continue du tarif par minute qui atteint $0,0017 contre $0,0019 un an plus tôt.
Le RN est en baisse de 21 % à cause d’augmentation des charges d’opération des réseaux et des charges salariales (surtout due à l’émission d’option et au paiement de frais professionnels).
La génération de cash reste excellente (29 M$ de cash-flow opérationnel sur le 1er semestre).

Le développement des offres Ethernet et International est bien lancé et devrait apporter de la croissance, peut être dès l’an prochain.

La violence de la claque boursière s’explique à mon avis par le fait qu’un analyste à émis un avis « sell » sur Neutral. Je vous laisse juger de la compétence de cet analyste qui avait émis une recommandation « buy » l’été dernier, quand le cours atteignait $30 soit plus de 25x les bénéfices attendus pour 2009… De plus le capital de Neutral est détenu à 97,7 % par des investisseurs institutionnels (fonds mutuels...), qui sont plutôt versatiles et un peu trop focalisés sur le court terme.

Ce sont surtout les stocks options qui m’inquiètent. Les managers s’en attribuent beaucoup (même si il est vrai que les performances ont été excellentes ces dernières années).
Je regrette que les rachats d’actions ne se soient pas poursuivis au T2 2010, surtout que le cours de bourse est particulièrement faible actuellement.

Au T2 2010, il y a 3 167 000 stock-options et 432 313 actions restreintes. En comparaison le nombre d’actions en circulation actuellement est d’environ 33 M. C’est énorme, même si le prix d’exercice de presque toutes ces options est très nettement au dessus du cours actuel.

Le risque vient donc plus de ces émissions d’options potentiellement très dilutives pour l’actionnaire. Au T3 je regarderai donc le nombre de stock options émises (c’est généralement durant ce trimestre que la quasi-totalité des options sont attribuées). Je m’attends à ce qu’il reste élevé car les performances de 2009 étaient encore excellentes.

Au prix où j’ai acquis TNDM (10x les FCF et un ratio EV/FCF de 5,5x), je ne me fais pas de soucis. Evidemment je considère le niveau de FCF de 2009 comme viable à moyen/ long terme... (Je vous renvoie à mon analyse complète pour les arguments).

Au prix actuel j’hésite à en racheter, je vous tiendrai au courant dans les prochains jours si j’augmente ma position (sachant que ça tient plus à mes liquidités disponibles qu’à ma confiance dans cette valeur et à ce prix).

L’auteur a une position longue sur Neutral Tandem.