mercredi 2 décembre 2009

Sur le calcul des flux de trésorerie disponible (Free cash Flow)

Il me paraît important de préciser ma méthode de calcul des FTD, les méthodes de calcul utilisées par les professionnels étant légions et fournissant des résultats parfois très dissemblables.

Voici donc la formule que j’utilise pour calculer les FTD :

Résultat opérationnel courant
+ Dotations aux amortissements et provisions
- Investissements en capital (+ investissements de croissance externe)
- Impôt
- variation du besoin en fonds de roulement

= Flux de trésorerie disponible pour rembourser les créanciers et rémunérer les actionnaires.


Il y a deux éléments sur lesquels je veux revenir, d’une part la possible prise en compte des investissements de croissance externe (acquisition d’un concurrent…), et d’autre part sur l’impôt.

Je retranche parfois des flux de trésorerie les investissements de croissance externe car ils entraînent des décaissements de trésorerie qui peuvent être importants et qui ne sont plus disponibles pour les actionnaires. Vous me direz : mais les entreprises peuvent financer leur croissance externe future en s’endettant ?
Oui, en effet, mais les dettes viendront en déduction de l’actif et réduiront de toute façon la richesse des actionnaires.
Il me semble très compliqué de prédire si l’entreprise financera d’éventuelles acquisitions par endettement ou sur fonds propres. Et il me semble encore plus difficile de prédire dans quelle proportion l’endettement augmentera (ou diminuera) à l’avenir.
En revanche, par l’étude sur 10 ans de l’historique de l’entreprise, on peut calculer le montant moyen déboursé pour des acquisitions, en % du chiffre d’affaires. Si ce montant est élevé, il peut avoir un impact important sur le montant de trésorerie finalement généré par l’entreprise qui reviendra effectivement aux actionnaires.

La prise en compte des investissements de croissance externe permet aussi d’établir une discrimination entre les sociétés qui se développent par croissance organique, et celles qui se développent par croissance externe.
Prenons un exemple un peu simpliste :
Nous avons deux entreprises A et B qui sont semblables en tout point et croissent chacune de 15% par an en investissant 5% de leur CA par an.
A réalise cette performance par croissance organique, les investissements sont tous dépensés en CAPEX.
B croît en rachetant ses concurrents, ses CAPEX ne représentent que 2% du CA. Les 3 % restants sont dépensés en acquisitions.

Sans prise en compte des flux de trésorerie consommés par la croissance externe, B est clairement avantagée par rapport à A malgré un niveau d’investissement et donc de flux de trésorerie disponible totalement égal.

La prise en compte des investissements de croissance externe dans le calcul des flux de trésorerie conduit parfois à les minorer significativement. Ceci dit, je rappel que mon objectif est d’identifier des sociétés en bonne santé fortement sous valorisées ; cet excès de prudence me fera sûrement rater quelque belles occasions, mais j’éviterai aussi de nombreuses désillusions. L’entreprise K-Tron Intl que j’ai étudié récemment a accéléré sa croissance de ces dernières années par des acquisitions faites majoritairement sur fonds propres et il serait présomptueux de penser qu’elle pourra soutenir un niveau de croissance aussi élevé dans le futur sans nouvelles acquisitions.

Pour ceux qui ont consulté la valorisation effectuée par le site Old School Value, vous avez constaté que l’auteur de cette valorisation a totalement négligé ce point en prédisant à K-Tron une croissance de 23% par an sur les 5 à 10 prochaines années !

Passons à l’impôt maintenant. J’utilise le taux d’imposition historique (sur 5 à 10 ans) de l’entreprise, calculé en pourcentage du résultat opérationnel. Certains utilisent le taux légal mais pour des entreprises multinationales ce taux est parfois très loin de la réalité.
Par ailleurs, souvent les analystes utilisent un taux historique fourni par l’entreprise et calculé sur la base du résultat avant impôt. Là aussi, ça me paraît être une erreur puisque le bénéfice avant impôt est parfois très différent du résultat opérationnel (s’il y a beaucoup de produits et de charges financiers et exceptionnels). Et comme c’est le résultat opérationnel que j’utilise dans la formule de calcul des FTD, pour être cohérent dans mes prévisions c’est lui que je dois utiliser comme base de calcul du taux d’imposition historique.

Un autre problème avec l'impôt c'est de savoir s'il faut le retraiter ou pas pour prendre en compte l'effet des intérêts financiers sur l'imposition. Une entreprise endettée paye des intérêts qui minore son résultat avant impôt, et donc forcément son impôt. Pour P.fernandez et J.M.Carabias, auteurs de 96 Common Errors in Company Valuations, il faut prendre le taux d'imposition de l'entreprise avec ses dettes donc pas de retraitement à effectuer. Cette méthode avantage les sociétés endettées qui payent moins d'impôts mais elle a le mérite d'être beaucoup plus simple à mettre en place.

Attention aux valeurs que la plupart des sites d’information financière gratuits fournissent. Leurs calculs des Flux de trésorerie disponible sont souvent erronés.

Par exemple le site 123 Stock Screener calcule les Flux de Trésorerie disponible de la manière suivante :
Free Cash Flow = Cash flow from operations – Capital expenditures – Dividendes versés aux actionnaires.

Ce calcul est faux puisque les Flux de trésorerie disponible sont censés représentés ce qui reste pour payer les créanciers financiers et les actionnaires après que tous les décaissements nécessaires à l’activité de l’entreprise et à ses investissements ai été décaissés. Hors ici les dividendes sont soustraits. De même les cash flow from operations sont souvent calculés à partir du bénéfice net, qui inclut les intérêts versés sur la dette qui doivent normalement être intégrés aux flux de trésorerie disponibles.
Le seul mérite de cette formule de calcul est de créer une marge de sécurité naturelle en sous-estimant les Flux de trésorerie disponible, bien qu’elle ne prenne pas en compte les flux de trésorerie de croissance externe.

Ma formule n’est pas parfaite non plus. Et à vrai dire il n’y a pas de mesure parfaite, celle que j’utilise est adaptée à l’usage que je veux en faire.

Pour ceux qui ont déjà quelques connaissances sur le sujet, qui comprennent l’anglais et qui veulent aller plus loin, je vous suggère deux très bons papiers universitaires sur les méthodes de valorisation publiés par deux professeurs de IESE Business School, une école de commerce espagnole :

- Valuing Companies by Cash Flow Discounting: Ten Methods and Nine Theories

- 96 Common Errors in Company Valuations

Ces deux articles sont téléchargeables gratuitement (cliquez sur download puis sur le lien d’une des universités). Vous pourrez vous faire votre opinion sur ma méthode de valorisation et m’en faire part.

3 commentaires:

  1. Bienvenue dans la blogosphère Benjamin

    Et surtout félicitation pour ces débuts plus que prometteurs. Une analyse de haut vol et des réflexions pertinentes et bien construites : on attend la suite avec impatience.

    Vous avez lu le bouquin de Bruce Greenwald ?

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  2. Bonjour et merci pour vos encouragements.

    Non je n'ai pas lu le bouquin de Greenwald. J'ai lu par contre Margin of safety, de Seth Klarman, qui comme son titre l'indique traite en détail du concept de la marge de sécurité et la diversité des applications que peut en faire l'investisseur.

    C'est un bouquin aussi excellent que l'Investisseur Intelligent, très facile à lire et pleins d'exemples.

    Il n'est plus édité depuis longtemps et est hors de prix sur le marché de l'occasion mais il est téléchargeable avec un torrent sous format word.

    Je vous le conseil vivement.

    Au plaisir de vous relire!

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  3. Bonjour Ben,

    Simplement pour savoir si tu pouvais illustrer par un exemple décortiqué.Ce serait super parce que pour un Non initié c'est assez excluant.

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