mercredi 30 décembre 2009

Sur l'importance des actifs et de leur croissance

La plupart d’entre vous à probablement déjà entendu parler des effets Book to Market et Small vs. Big.

Pour les non initiés ces deux effets sont en fait issus de la recherche universitaire sur les marchés financiers.

L’effet Book to Market montre qu’en moyenne sur long terme les entreprise avec un ratio de capitaux propres/ capitalisation boursière élevé performent mieux que celles qui ont un ratio faible.

L’effet Small vs. Big montre que les petites capitalisations surperforment les grosses capitalisations en moyenne sur long terme.

Voilà pour le rappel. Cependant beaucoup d’investisseurs non professionnels ignorent qu’il y a encore de nombreux autres facteurs prouvés empiriquement par la recherche qui peuvent influencer la performance d’une action par rapport à d’autres. Je vais vous en présenter quelques uns sur mon blog, et tenter de vous démontrer comment ils peuvent nous aider dans notre processus de sélection et d’analyse des titres.

Le taux de croissance passée des actifs est l’un de ces indicateurs.

Une excellente étude sur le sujet est The asset growth effect in stock returns, elle a été publiée en janvier 2009 par Messieurs Michael Cooper, Huseyin Gulen & Michael Schill.

Elle est téléchargeable gratuitement sur SSRN (cliquer sur le titre pour y accéder). Je vous encourage à la lire, elle est courte et assez facilement abordable pour les débutants.

De nombreuses études ont par le passé démontré l’influence du poids du bilan et de la croissance des actifs dans les performances boursières mais celle-ci est l’une des rares à être très facile à comprendre et à utiliser une méthodologie simple et à la portée même des débutant.

L’étude porte sur la période de juin 1968 à juin 2006. Chaque année, les auteurs ont classés les actions américaines en déciles selon le taux de croissance de leurs actifs totaux sur l’année écoulée.

Ils ont ensuite considéré un investissement dans le décile 1, soit celui des entreprises ayant connu la plus faible croissance (ou la plus forte décroissance) de leurs actifs sur l’année écoulée. En moyenne sur les 39 années de l’étude, les actions du décile 1 ont fourni une performance de 26% annuellement. En comparaison, les actions du décile 10 (croissance des actifs la plus importante) n’ont fourni qu’une performance annuelle moyenne de 4%.

35 années sur 39, le décile 1 à surperformé le décile 10.

Ces performances sont obtenues pour un portefeuille équi-pondéré, c'est-à-dire que toutes les participations ont la même valeur. Au contraire d’un portefeuille pondéré dans lequel les participations sont pondérées selon leur capitalisation boursière.
Avec un portefeuille pondéré la performance moyenne du décile 1 tombe à 18% et celle du décile 10 augmente à 6%. L’écart reste cependant énorme.

La surperformance persiste jusqu’à 5 ans après la constitution des portefeuilles. Le rendement moyen à 5 ans des portefeuilles équi-pondérés de décile 1 est de 165,8% soit un rendement annuel moyen de 21,6% !

Les actions dont les actifs ont faiblement cru correspondent en moyenne à des entreprises subissant des troubles financiers passagers. Leur performance boursière passée à 3 ans est négative de 34% en moyenne et leur rentabilité est faible ou négative. Cependant ces problèmes sont plus souvent passagers que durable et leurs performances tant financières que boursières profitent d’un retour à la moyenne à court/ moyen terme.

Le retour à la moyenne est un concept fondamental de l'investissement dans la valeur. C'est pour ça que mes analyses remontent souvent 15 ans en arrière pour observer les tendances à long terme et ne pas me faire piéger par des résultats récents.

Que peut nous apporter cette étude ?

Les investisseurs autonomes n’ont pas accès à des bases de données ni à quasiment aucun outils de traitement qui nous permettent de classer tout l’univers des actions selon le taux de croissance des actifs.

Cependant cette étude peut nous servir dans nos analyses de titres. Savoir comment croît une entreprise et être capable d’analyser cette croissance pour en retirer des tendances ou se faire une opinion sur la stratégie du management est indispensable pour dénicher des valeurs exceptionnelles.

Les résultats de cette étude signifient-ils qu’il faut systématiquement écarter de notre sélection les entreprises qui font croître leurs actifs rapidement ? Bien sûr que non.

Mais quand la croissance tant des actifs que du chiffre d’affaires est élevée, il faut se poser les bonnes questions et être sélectif.

D’une part comment l’entreprise fait-elle croître ses actifs et son chiffre d’affaires : organiquement ou par acquisitions ?

Si la croissance est organique il y a des indicateurs pour juger de sa qualité : le Rendement des actifs (ROA) est un bon début. Une comparaison du rythme de croissance des actifs et de celui du chiffre d’affaires sur 5 ans ou plus peut aussi être intéressante quoi qu’un peu fastidieuse.

Pour ma part, je me focalise avant tout sur les flux de trésorerie. Si les actifs et le chiffre d’affaires croissent rapidement, à priori la consommation de trésorerie pour les investissements est élevée. Si une entreprise fait croître ses actifs et son chiffre d’affaires rapidement sans que ses flux de trésorerie disponibles en pâtissent trop, c’est une bonne chose. Pour tester rapidement cela, aller sur n’importe quel site d’information financière et faites le ratio Cash-flow opérationnels/CAPEX sur 3 à 5 ans. Je ne vais pas vous donner un niveau cible, ça peut être très variable d’une activité à l’autre mais en faisant la comparaison avec des concurrents ça peut vous donner une idée sur la qualité de la croissance.

Si la croissance se fait par acquisitions, il y a plusieurs facteurs à tester.
Premièrement au compte de résultat, il faut juger l’évolution de la profitabilité à long terme, si elle est stable ou en augmentation malgré de nombreuses acquisitions, c’est bon signe.

Deuxièmement, au bilan, intéresser vous au niveau de l’écart d’acquisition (goodwill). En principe je n’aime pas du tout les sociétés dont le bilan est blindé d’écart d’acquisition.

Troisièmement, vous pouvez utilisez le ratio Cash flow opérationnels/ (CAPEX+investissements de croissance externe) et le niveau des flux de trésorerie disponibles sur plusieurs années.

Une des premières chose à faire est de jeter un petit coup d’œil aux news de la société sur son site ou sur Reuters. S’il y a eu des acquisitions, vous le verrez et si vous avez de la chance, vous aurez même les montants de CA et parfois de résultat opérationnel des cibles, et le prix payé pour juger.

K-Tron International et Manutan International répondaient parfaitement à mes exigences dans ces domaines. J’avais de bonnes informations sur les acquisitions passées des deux groupes. Par ailleurs leur profitabilité à long terme et leur génération de flux de trésorerie sont en croissance à long terme. Leur politique de croissance externe est prudente tant sur la qualité des sociétés acquises que sur les prix payés.

Et malgré les acquisitions passées, ces deux sociétés ont des écarts d’acquisitions faibles relativement au total de leur bilan.

Il faut aussi se demander pourquoi l’entreprise croît plutôt par acquisitions ou organiquement ? Et quelle est la qualité des actifs qui sont acquis ?

Les actifs ne sont pas que les machines et batiments bien évidemment. Il y a les clients, le savoir-faire, les produits. Tous ces actifs ne sont pas forcément bien valorisés au bilan. La stratégie pour les acquérir peut influencer la stratégie de croissance d'une entreprise.

Prenons l’exemple de Manutan International. Ces dernières années le groupe a continué son expansion organique en Europe parce qu’il restait des marchés largement inexploités (Péninsule Ibérique, Europe de l’est).

Aujourd’hui le groupe couvre tout le continent et a l’ambition de doubler son chiffre d’affaires en 5 ans. Ambition inatteignable avec la seule croissance organique.

Par ailleurs le coût d’acquisition de nouveaux clients est élevé sur le marché de la vente à distance BtoB. Les acquisitions sont un moyen peu cher d’acquérir de nouveaux clients déjà fidélisés.

Si vous regardez l’acquisition de Camif Collectivés, le groupe l’a payé 3,1M€ pour 51300 clients qui sont pour la plupart nouveaux ; Manutan n’était pas très présent sur ce marché auparavant. Ca nous donne un coût d’acquisition d’environ 60€ par client alors que le panier moyen de 2008 est de 2807€ ! Et Camif Collectivités a une marge opérationnelle positive en 2009.

De même pour K-Tron International la croissance s’est faite par acquisitions parce que le groupe avait besoin de diversifier son portefeuille de produits, et il était moins coûteux d’acheter à bon prix des entreprises déjà bien établies et aux business models prochent de celui de K-Tron que de développer des gammes en interne.

Prochainement nous verrons ensemble qu’une entreprise connaissant une décroissance débridée de ses actifs et de son chiffre d’affaires peut effectivement être digne d’intérêt à travers l’analyse d’USA Mobility Inc.

Je profite aussi de l’occasion pour vous souhaiter avec un peu d’avance une bonne année 2010.

3 commentaires:

  1. bonjour,
    tout d'abord félicitation pour votre approche.
    Que pensez vous du titre LACIE (paris)... Est il pour vous une valeur VALUE

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Benjamin,

    Félicitation pour ce nouvel article et la démonstration magistrale de deux points que nous approuvons parfaitement :

    - les résultats des 2 ou 3 derniers exercices comptables d'une entreprise ne sont en rien relevant de la rentabilité future de cette entreprise. Combien de sociétés voient leur cour sanctionnés ou au contraire s'envoler sur base des résultats du dernier trimestre ...

    - si nous achetons une entreprise de croissance (ce que nous ne faisons pas dans le cadre du portefeuille de notre club mais, occasionnellement et à la marge, dans le cadre de nos portefeuilles personnels), nous comparons dans la durée le rapport entre la capacité bénéficiaire (grosso modo le résultat d'exploitation - les impôts + les charges non décaissées - les investissements de maintien) et les capitaux investis (c'est-à-dire les fonds propres + les intérêts des minoritaires + les dettes financières - la trésorerie).

    Nous aimons que ce rapport reste stable dans le temps ou, mieux, s'améliore, ce qui, selon nous, serait un des signaux à prendre en compte pour déterminer si l'entreprise dispose d'une certaine protection contre la concurence.

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour Messieurs,

    Anonyme : Lacie ne se vend pas cher et à un bilan solide. Le P/B est à peine supérieur à un. L'endettement financier est ridicule et largement couvert, à vrai dire la trésorerie nette est de 53M€ soit la moitié de la capitalisation boursière.

    Et l'entreprise est toujours rentable malgré la baisse de 23% de son CA en 2008/09 et de 10% supplémentaires au 1er trimestre (juin-septembre 2009).

    Cependant au niveau de la génération de trésorerie c'est moins beau. Je suis remonté très rapidement sur les 4 dernières années, le résultat net a toujours excédé le flux de trésorerie opérationnel.
    La différence est ce qu'on appelle les accruals, c'est une partie du résultat net qui est le fruit d'enregistrements comptbles mais qui ne se traduit pas par des encaissements de trésorerie et ne vient donc pas enrichir la société.

    C'est d'ailleurs en lien avec cet article puisque les sociétés connaissant une forte croissance ont souvent beaucoup d'accruals et donc des bénéfices de mauvaise qualité.

    Vu la solidité de son bilan et sa faible valorisation par rapport à ses actifs, Lacie mérite quand même qu'on s'y intéresse mais ça n'est pas le type de société que je regarde.

    Par ailleurs Lacie a un positionnement haut de gamme, axé sur le design et un peu sur la technologie, un peu comme Apple. Je ne suis pas à l'aise avec ce type de modèle parce que les risques que la machine s'enraye sont plus élevés qu'avec une entreprise qui base sa compétitivité sur ses coûts et son efficacité opérationnelle.

    Dans le cas de Lacie, l'entreprise est plus exposé à des risques exogènes ayant trait aux goûts de la clientèle par exemple.
    Alors qu'un fabricants "low cost" peut compter sur une clientèle plus stable composée d'acheteurs "rationnels" qui s'intéressent à des variables que la société peut contrôler plus facilement : le prix, la qualité, la disponibilité des produits, le SAV...

    Les Daubasses selon Graham : Votre mesure de l'investissement/ capitaux est intéressante, je vais l'essayer.

    Merci pour vos commentaires et à bientôt.

    RépondreSupprimer